Pierre Loti & les animaux

Pierre Loti, de son vrai nom Julien Viaud (1850-1923) est un écrivain français. Double de cet officier de marine qui fit plusieurs fois le tour du monde. Rapportant une série de portraits, de témoignages, de Hendaye à New York, d’Istanbul à Tahiti…
Le monde animal est partout présent dans son œuvre. Et ces invités lui permettent de s’extraire de la mélancolie. Voire de la mièvrerie où il se complaît parfois. Avec les animaux le voilà original, variant les situations et les tons. Rencontres fugitives ou liens indéfectibles, ses histoires montrent l’empathie affectueuse ou une détresse inattendue. Parfois caustique, parfois révoltant, Pierre Loti éprouve du respect pour l’animal. Pour sa sensibilité, son émotion, sa capacité à réfléchir. Il a été le frère, l’ami des animaux. Célèbre pour son chat truc Pamouk avec lequel il aimait se faire photographier.
Il semble que les chats aient assurément sa préférence. Incarnant le bonheur domestique. La distinction. Le calme. Il fut d’ailleurs président d’honneur de la Société protectrice des chats, La patte de velours, en 1908.

Mais il n’y a pas que les chats dans son bestiaire. Les Hommes aussi sont présents. Et le voilà faisant l’éloge de la pitié. Une rencontre à Pékin avec une citation de Confucius : La littérature de l’avenir sera de bonté et de pitié. D’ailleurs, en 1911, quand l’Italie envahit la Tripolitaine, il se fend d’un article dans Le Figaro, dénonçant le fait que l’Europe regarde ailleurs dès que l’on massacre au-delà de la Méditerranée…
Pour Pierre Loti la pitié n’est ni la simple charité, ni la bonne conscience paternaliste. Elle est la marque de la fraternité dans la souffrance. Elle englobe toutes les victimes d’injustices – naturelles comme sociétales. Les héros de ses romans sont bien souvent des gens modestes. Des faibles, des exilés. Hommes et animaux sont frères. Ils sont donc en tête des préoccupations morales car démunis. Sans parole. Leur liberté ne doit pas faire oublier qu’ils n’ont rien. Ils sont authentiques. Mais en rien inférieurs dans la hiérarchie du vivant. Prisonniers – au contraire – dans une semi nuit qui les empêche de parler. Et donc de dialoguer avec les Hommes. Alors Pierre Loti s’apitoie sur lui-même à travers le prisme de la défense animale ? Peut-être bien. Car pour lui l’existence est absurde. La condition humaine un mystère. Lui le crédule est un sceptique. Athée mais désespéré de l’être. Penchant vers l’animal un dessein existentiel. Un bâton de maréchal pour y appuyer toute sa mélancolie…

Pierre Loti ne fut pas heureux. Ni en homme de lettres ni en animal dénaturé. Sans doute l’apesanteur l’empêchant de voler lui a-t-elle pesé plus qu’à nous autres. Il aurait voulu voir le monde d’en haut. Comme le marin qu’il était. Depuis la hune. Pèlerin migrateur mais ancré à son foyer – là où l’attendaient patiemment les chats.

 

Annabelle Hautecontre

 

Pierre Loti, Le Marabout, la perruche et le singe – Un tour du monde animalier, anthologie réunie et présentée par Alain Quella-Villéger, coll. Un endroit où aller, Actes Sud, mars 2021, 336 p.-, 21,80 €

Aucun commentaire pour ce contenu.