"Une enfant de Poto-Poto" d'Henri Lopès ou Moudélé le magnifique

Quand on croise son Excellence Henri Lopès on est frappé par son allure, sa gentillesse, sa maîtrise totale du français (que certains ministres et autres élus se devraient au plus vite de copier), sa classe et... sa beauté ; et si tant est qu’il est toujours risqué d’évoquer l’apparence d’un homme, ici cela a son importance puisque l’ambassadeur du Congo en France porte en lui les gènes qui articulent toute son œuvre littéraire : le métissage. Il le dit lui même, il est né "dans une ville en forme d’orange [par la magie] de deux gouttes dissipées qui giclèrent lors de la séparation. Une goutte de l’hémisphère noire, une goutte de l’hémisphère blanche.


Alors rien d’étonnant à ce que ce huitième roman trace le récit d’un Moudélé, comme on nomme les Blancs à Brazzaville, professeur émérite tout frais débarqué au lendemain de l’indépendance (15 août 1960) et qui se fera remarquer par son discours pédagogique pour le moins détonnant. Voilà un blanc qui parle la langue, un blanc qui invite les Noirs à l’excellence, un blanc qui se mêle de politique africaine - et non plus coloniale. De quoi effrayer les officiels et séduire les élèves. Nous suivrons deux jeunes filles, Pélagie la délurée, un tantinet arriviste et prête à tout pour assouvir sa soif d’ascenseur social ; et Kimia, la narratrice, plus en retenue mais tout aussi maline, qui saura se frayer un chemin dans le labyrinthe administratif pour obtenir une bourse et aller poursuivre ses études à l’étranger.


Devenue écrivain(e) à succès, elle retrouvera son professeur à l’occasion d’un colloque et leur histoire d’amour tissera de bien étonnants liens... Il faut dire que ce Moudélé-là, n’est pas comme les autres. La légende dit qu’il est africain par sa mère. Qu’il est né sur la natte comme ses congénères et que seule sa couleur lui a permis de franchir tous les obstacles et d’atteindre le Graal de la connaissance. Alors toute sa vie il n’aura eu de cesse de vouloir rendre ce qu’on lui avait donné, réparer ce qu’il considère comme une injustice car uniquement axée sur la couleur de sa peau. Enseigner, dessiller les yeux de la nouvelle génération, à n’importe quel prix, quitte à s’aliéner les nouveaux maîtres au pouvoir...


Par le jeu d’une langue ensoleillée riche de néologismes et d’expression locales, mais tout aussi précise dans l’emploi de certains mots inusités (diérèse, dactyle, spondée, etc.), Henri Lopès nous plonge dans un univers extraordinaire où la candeur donne des ailes et le savoir offre tous les possibles. Réflexion sur la quête d’identité et le sens à donner à sa vie, ce roman politique est aussi un grand roman d’amour car il démontre l’absurdité de l’angélisme en donnant de nouvelles ailes à la littérature du Sud pour qu’elle vole encore plus loin porter la bonne nouvelle d’un vivre ensemble possible dans la culture partagée et non l’obscurantisme dogmatique.


François Xavier


Henri Lopès, Une enfant de Poto-Poto, Gallimard, coll. "Continents noirs", janvier 2012, 265 p. - 17,50 €

Cet ouvrage a obtenu le Prix littéraire de la Porte dorée 2012 qui récompense un roman ou un récit écrit en français traitant du thème de l’exil.

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