Jean-Pierre Milovanoff, L’Amour est un fleuve de Sibérie

Sylvio, devenu adulte se nourrit de ses souvenirs dans un but précis. Il cherche désespérément à savoir si au fil de ses jours moroses il a peut-être croisé l’auteur de ses jours dont sa mère lui a toujours tu le nom. Il se souvient d’une soirée où Johnny Wood, guitariste amateur de blues était apparu à la Bélugue. Ce pourrait être lui.


Était-ce l’électricité dans l’air ou la fatigue de la journée, toujours est-il que maman parcourait mon devoir plus distraitement que d’habitude. C’est un fait qu’elle ne s’attardait pas sur mes fautes d’orthographe et ne s’inquiétait pas de la brièveté de mes réponses à des questions fondamentales comme celle-ci :“Que pensez-vous du style de l’auteur ? Il est bon. Quelle leçon tirez-vous de son expérience ? Une leçon de grammaire”.

Sylvio, loin d’être futé, possède toutefois un cœur grand comme la plage équivalant toute l’intelligence du monde. Sa mère, renversée par un chauffard, s’éloigne dans une maison spécialisée pour personnes handicapées et Sylvio, resté seul, devient gardien du camping communal. Au départ de son amie, il pleure sobrement son amour perdu.


Si ma vie n’a été ni belle ni riche, elle a quand même été remplie de tous les événements qui n’ont pas eu lieu mais dont j’ai rêvé, et des actions que j’aurais entreprises et menées à bien si je n’avais pas dû y renoncer. Une vie en creux, c’est exact, à peine plus audible que le bruissement du sable sec sous les escarpins de Myrianne courant au petit matin sur la plage, emportant les cadeaux que je lui avais faits avec ses affaires et disparaissant de ma vie…


Il ne découvrira pas avec certitude l’identité de son père. Lorsque des pluies torrentielles s’abattent sur la Camargue, le Rhône sorti de son lit transforme l’horizon en un vaste océan de désolation. Dans sa caravane, ballottée par la furie des eaux, Sylvio médite  sur les jours enfuis.


Est-il possible que les jours s’écoulent comme une pluie que rien n’arrête et qu’ils fassent tant de dégâts pour rien dans nos vies et qu’à la fin personne ne se souvienne qu’il a plu dans ce désert où se dessèchent nos amours, personne sinon un vieil idiot dans mon genre, un con fini, qui racontera dans son coin à des gens qui ont d’autres chevaux à jouer que la tempête a brisé en lui quelque chose…


Avec L’Amour est un fleuve de Sibérie, Jean-Pierre Milovanoff signe une quête sentimentale sans mièvrerie, pleine de la sagesse de ses personnages aux histoires s’embringuant l’une dans l’autre comme des poupées russes.


Il y a des personnes qu’il vaut mieux regarder de loin, dans un décor qui les met en valeur, sinon elles apparaissent pour ce qu’elles sont : de petits personnages grandis par les projecteurs.


Murielle Lucie Clément


Jean-Pierre Milovanoff, L’Amour est un fleuve de Sibérie, Grasset, 2009, 192 pages, 14,50 € 

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