Oro (Cizia Zykë) : l’aventure, c’est l’aventure.

Costa Rica, début des années 80. Un voyou fauché, consommateur de drogue, ancien trafiquant d’art pré-colombien et j’en passe, sillonne le Corcovado pour se lancer dans l’orpaillage. Il est accompagné de sa compagne, Diane, et de camarades de fortune. Le long du fleuve, les « oreros » retirent des paillettes d’or de façon assez artisanale et semblent condamnés à une existence harassante et sans avenir. La troupe se lance dans les affaires et embauche des locaux pour une extraction d’or à grande échelle. Là-bas, les différents se règlent à l’amiable ; si ce n’est pas autour d’un verre, c’est à coup de gifle ou de revolver. Il y a un peu de Pieds Nickelés dans leurs histoires, et c’est même désopilant.

Oro, c’est d’abord cette interview dans l’émission « Apostrophe » par Bernard Pivot d’un gars assez balourd qui scotche tout le monde dans son fauteuil. Ensuite il y a le livre. Entre ce qui est vrai et ce qui est inventé, en fait, on s’en fout. Zykë arrache tout sur son passage : il se marre, il prend les filles peu farouches qu’il croise dans la jungle, il négocie des terrains à des paysans décérébrés, il magouille avec plus fort que lui, fait fortune puis finit en taule. C’est Tintin au Costa Rica, avec la dégaine de Rastapopoulos et un joint au coin des lèvres. Avec lui, l’aventure c’est à sec, sauf quand il faut s’enfiler du whisky avant d’aller au bordel.

Zykë raconte cette odyssée menée à travers les délires de la malaria, les fumées de joints, les brumes de l’alcool, la pluie et la faim. Et on se marre car, avec lui, il n’a aucun interdit à part la bêtise et les bonnes manières. Il dynamite tout sur son passage : la corruption locale, les femmes un peu légères, les amateurs d’aventures, les petits chefs, les serpents, les cochons et les imbéciles. Oubliez tous les codes : c’est macho, brutal, hors norme, indécent …

Cependant derrière le récit rabelaisien de cet aventurier contemporain se cache une faille immense. On la devine à travers quelques lignes où il évoque son amour pour Diane et leur fils défunt.

A quoi rime cette aventure ? Creuser le sol pour fuir la douleur est peut-être la seule solution trouvée par ce jouisseur, dur au mal et intraitable. Trouver un filon aurifère fabuleux pour montrer au monde qu’il est malgré tout le maitre du jeu. Cette aventure serait alors une révolte.

Pour le lecteur, ce livre est aussi une pépite. Qui aujourd’hui oserait écrire un texte aussi incorrect ? Phénomène littéraire, Zykë ne s’embarrasse pas du politiquement correct. A lire au moins une fois dans sa vie.


Thomas Sandorf

 

Cizia Zykë, Oro, Pocket, 18 juin 2009, 464 pages, 7,70 €

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