Simone Bertière, Le roman d'Ulysse : Un héros universel

L’heure de se retirer a sonné pour Ulysse. A Ithaque, à l’issue d’une fête magnifique, il cède à Télémaque, les clefs d’un royaume prospère. Pourtant, il est amer, son fils n’est selon lui, pas à la hauteur : « élevé sous l’aile d’une mère très protectrice ». Il juge que «la relève est mal assurée ».

Après le sacrifice d’un bœuf, un banquet, des libations, des danses et des chants, le récit de ses exploits raconté en son honneur, le maître des lieux, se retire dans une maison au bord de la falaise laissant son superbe palais à Télémaque.

Mais à moins de cinquante ans, celui qui a parcouru les mers est encore vert. Il ne veut pas de la tranquillité, de la sécurité ni du bonheur. Ne se considère pas comme un héros : « il n’est de bon héros que mort ». « De préférence dans la fleur de sa jeunesse » affirme-t-i-l à Euphorbe, le jeune compagnon qui lui a été imposé, par ailleurs, neveu d’Eumée.

Petit à petit, le garçon qui devait seulement l’aider dans les tâches domestiques devient un interlocuteur passionnant. Vif, curieux, intelligent, il en arrive bientôt par ses questions et son dialogue avec Ulysse à élaborer ce qui sera l’Odyssée.

Les dix années passées à combattre pour s’emparer de Troie, les dix autres d’errances sur la mer pour regagner Ithaque enchantent l’adolescent.

Au fil du temps en effet, émerveillé par les aventures de son maître, ses rencontres avec le Cyclope, Hermès ou Circé qui manque de l’émasculer, Leucothée ou Nausicaa, le chevrier se métamorphose en aède, un de ces poètes qui chantent les exploits des guerriers. Prêt à établir par ses récits la réputation du valeureux roi pour l’éternité.

De tous les personnages de la légende grecque, Ulysse est le plus populaire, le plus emblématique. Il est un personnage, qui par sa longévité a le temps d’évoluer, le seul à intervenir dans les deux épopées. Dans la première L’Iliade, la force physique est célébrée tandis que dans la seconde, l’Odyssée, elle est supplantée par l’intelligence.

Dans son roman, l’historienne Simone Bertière, si elle reprend fidèlement les péripéties du héros, brosse un tableau de la vie en Grèce, à cette époque. Elle décrit non sans humour les réflexions d’Ulysse au sujet de l’écriture qui n’a pas encore été inventée, le montre, dessinant dans le sable que le vent envole, un rond comme un symbole de la première syllabe de son nom.

Elle envisage même sa fin, alors qu’après son retour à Ithaque, aucun texte concernant sa mort n’a réussi à s’imposer. Mais les deux protagonistes en conviennent : « Une épopée se termine toujours par la mort du héros. »

Dans ces échanges entre un tout jeune homme et un vieillard, elle conte un passage de témoin, un éveil à une vocation poétique d’un garçon du peuple que rien ne destinait à un tel avenir ; donne également au héros une dimension universelle avec des réflexions sur la vie ou la mort, la guerre ou la paix, l’amour ou la justice, qui des milliers d’années plus tard n’ont pas pris une ride.

En s’attachant à montrer l’affection entre les deux hommes, à l’ombre des immenses Iliade et Odyssée, Simone Bertière décrit un Ulysse un peu inattendu dans son rôle de pédagogue bienveillant.

En décrivant le héros mythologique sous ce jour nouveau, l’auteur donne un coup de jeune à la légende à travers un roman fluide et agréable à lire, fidèle à l’esprit d’Homère.

Brigit Bontour

Simone Bertière, Le roman d’Ulysse, Editions de Fallois, octobre 2017, 250 p., 19 €

 

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