5e Avenue, 5 heures du matin. Audrey Hepburn, Diamants sur canapé et la genèse d’un film culte

Ecrire un livre hommage à un film célèbre est exercice délicat. La tendance générale, surtout en France, consiste à compiler des faits, des détails et à les expédier au petit bonheur la chance comme si une anecdote se suffisait en elle-même pour recréer une ambiance. Voilà ce qui différencie un catalogue d’un livre. Les Américains l’ont bien compris et Sam Wasson l’a bien appliqué. Il ne se contente pas de narrer des micro-évènements, d’aller chercher des détails précis, il ordonne le tout dans une danse qui s’efforce de recréer l’ambiance, le climat et la nostalgie propre à un film. Et quand ce film n’est autre que Diamants sur canapé, on se rend compte à quel point l’exercice est non seulement délicat mais hautement périlleux. Car, comme toute belle œuvre, celle-ci est fragile. Il convient de ne pas l’ébrécher.


Wasson remonte dans la chronologie pour nous présenter les principaux personnages de cette aventure (Audrey Hepburn, bien sûr, mais aussi Truman Capote, Blake Edwards, Henri Mancini sans oublier les producteurs, le scénariste…). Ce ne sont plus des noms qui tombent au milieu d’une page mais des êtres vivants en proie au doute qui déboulent avec leurs expériences et, pour certains, une volonté de fer. Il n’y a pas, de la part de Wasson, volonté d’analyse mais désir de re-création. Il emmène le lecteur dans les bureaux, sur le plateau de tournage, dans les restaurants ou naquit Diamants sur canapé.


A l’heure où l’on commémore les vingt ans de la disparition d’Audrey Hepburn, ce livre nous en apprend, finalement, bien plus sur elle que des biographies bancales. « Peut-être plus que toute autre vedette de cinéma, écrit Wasson (p 216), Audrey Hepburn pousse ses admirateurs à l’idolâtrie, ce qui donne des textes bourrés de clichés et dignes des pires groupies, des compliments qui semblent sincères à l’occasion d’une conversation mais tombent à plat sur le papier. L’emploi d’adjectifs tels que « élégante », « ravissante » et, pire que tout, « parfaite » est un bon exemple de ce phénomène : c’est facile et ça ne mange pas de pain. »  Wasson s’échine à ne pas tomber dans cette facilité. Il n’est pas prosterné aux pieds de la frêle Audrey mais se tient à ses côtés, la regardant sans la juger. Son portrait n’en est que plus émouvant.


Au passage, certains ne sortent pas grandis de cette plongée au cœur des Diamants. Mel Ferrer, en mari exigeant et jaloux du succès de son épouse, fait plus figure de frein que de mentor. George Peppard en acteur peu romantique prisonnier de sa conception style Actors Studio ne s’impose en rien comme le partenaire idéal pour une comédienne craintive. Mickey Rooney, dans son ridicule rôle de voisin nippon, passe pour un comique de bas étage. Rooney est d’ailleurs le grand absent de ce livre. Wasson n’a visiblement pas cherché à le rencontrer. Il faut dire que dans son autobiographie (Life Is Too Short), Mickey expédie Diamants sur canapé en huit lignes et juge le résultat « trop, trop précieux » renvoyant le lecteur au roman initial de Capote.


5e Avenue, 5 heures du matin donne envie de revoir le film et de tenter de comprendre sa magie. Une magie qui s’opère dès les premières secondes (ce magnifique plan d’une Cinquième Avenue vide de tout passant dans laquelle avance un taxi jaune). Et quand le nom d’Audrey Hepburn apparait au générique, on en a déjà les larmes aux yeux…


Je conseille sincèrement à tous les auteurs-cinéphiles français de lire l’ouvrage de Wasson. Non seulement, ils y apprendront des choses sur ce sommet de la comédie romantique mais cela pourrait leur donner des idées et les inciter à traiter de manière similaire certains grands films de notre terroir.


Wasson étant un auteur précis, son texte me parait inattaquable. L’unique erreur concerne la traduction : le film pour lequel Sophia Loren obtint un Oscar sortit bien en France sous son titre original, La Ciociara, et non sur le ridicule (et ultérieur) La Paysanne aux pieds nus. Par ailleurs, ultime détail, l’affiche américaine dont parle Wasson fut redessinée pour la France : le fameux chat disparut et le fond passa du blanc au rose !


Philippe Durant


Sam Wasson, 5e Avenue, 5 heures du matinSonatine, novembre 2012, 238 pages, 25 eur

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