Les écrivains du 7e Art

« Plutôt qu’une somme, j’ai cherché à raconter et à faire part des expériences souvent ponctuelles, souvent malheureuses, souvent houleuses de certains écrivains avec le cinéma. Raconter le pas de côté de certains. Raconter leur expérience méconnue du cinéma. Comprendre ce qui avait motivé ces expériences, mais aussi ce qui les avait rendues captivantes, astreignantes, parfois décourageantes, souvent passionnantes ou complexes dans leur gestation. »


D’entrée, c’est-à-dire dès l’introduction, Frédéric Mercier annonce la couleur : il ne s’agit aucunement de construire une encyclopédie répertoriant tous les écrivains français – ou considérés comme tels – ayant œuvré pour le cinéma - travail fastidieux et de maigre intérêt – mais de piocher parmi certains de ses plus illustres représentants.


Mercier a préféré se concentrer sur certains d’entre eux, étudiant souvent leurs œuvres et les films auxquels ils furent associés. Le tableau de chasse est impressionnant : Céline, Aragon, Blondin, Nimier, Gary, Giono, etc. Plus quelques cinéastes aux prétentions littéraires dont Rohmer et Truffaut, les inévitables.


Il s’agit donc bel et bien d’un parti pris de la part de l’auteur qui défend ses choix et ses gouts. Il va sans dire que ces choix ne sont pas toujours les miens, surtout quand il est écrit qu’Un singe en hiver « vieillit mal », mais cela n’a aucune importance.


La documentation et les informations littéraires sont aussi impeccables qu’implacables. On apprend moult choses sur les écrivains, leur œuvre et leur façon d’aborder un art qui, souvent les déconcerte. Il est plus facile d’affronter la page blanche que les exigences d’un producteur…


Au fil des pages, l’auteur analyse certains films marquants, privilégiant d’ailleurs l’étude au détriment de l’anecdote. Le propos se situe plus dans les rapports professionnels que dans les rapports humains. Parfois, tout de même, Mercier verse dans le vécu et offre des passages passionnants à l’image du tournage très complexe de L’Espoir (version espagnole) d’André Malraux.


Reste que l’ensemble ressemble un peu trop à une thèse universitaire…


Les chapitres sont très différents. Certains auteurs ont droit à un traitement de faveur pas forcément justifié. Ainsi le long passage sur Emmanuel Carrère qui a pourtant essentiellement écrit pour la télévision et non pour le cinéma (donc hors sujet par rapport au titre du livre !). D’autres écrivains bénéficient d’une biographie quasi complète ou d’une analyse au cordeau qui en devient fastidieuse (Houellebecq, par exemple).


Sur le plan cinématographique, certaines affirmations me chiffonnent. Comment peut-on affirmer qu’un film qui totalise 200 000 entrées France (Les oiseaux vont mourir au Pérou de Romain Gary) a été un « succès public » ? Et à combien se chiffre le « démarrage exceptionnel » de ce même film ? Par ailleurs, j’aimerais bien savoir qui est cette comédienne Françoise Rosier évoquée page 92. Ne s’agirait-il pas plutôt de Françoise Rosay ? Et, bien entendu, dans le chapitre consacré à Patrick Modiano, je ne peux que regretter le fait que ses relations privilégiées avec Michel Audiard soient passées sous silence…


Comme souvent en pareil cas, le style de l’ouvrage se veut intellectuel, un brin élitiste pour ne pas dire ampoulé. Sans doute Mercier a-t-il voulu se hisser à la hauteur des maîtres dont il parle. Ce n’était pas utile. On fermera les yeux sur les inévitables coquilles (O’Tool au lieu d’O’Toole, Green au lieu de Greene…) mais on s’étonnera de répétitions déroutantes. Non seulement certaines informations sont ainsi redonnées mais, ailleurs, des phrases sont recopiées à l’identique. Dommage pour un livre qui se veut sérieux.


Philippe Durant

 

Frédéric Mercier, Les écrivains du 7e Art, Séguier, avril 2016, 369 pages, 22€ 


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