Solange Kowalewski chorégraphe des formes

C’est parce que la peinture est en décadence depuis l’âge des cavernes qu’elle continue à avoir quelque chose d’intéressant à montrer. Elle ne se fie qu’aux yeux et reste un démenti à sa propre théorie. Celle-ci s’adapte à l’aventure de la première incision rupestre jamais l’inverse. Et Solange Kowalewski moins qu’une autre se plie à la théorie. Son  aventure reste toujours la même : lutter à l’intérieur des formes pour en sortir et tenter de les empoigner entre le sens et le silence en restant sans doute à ce “ stade enfantin ” qui faisait si peur à Breton. L’artiste refuse en effet le jeu intellectuel qui assigne bien des limites à la création. Toutefois limiter l’artiste à un mythe infantile serait simpliste. Se refusant à parler des choses du réel, la plasticienne leur donne voix et voie en totale liberté. Pour elle la figuration n’est qu’un bâillon. Ce qu’elle veut "mettre en scène"  n’est pas ce que l’œil restitue mais ce qu’il reçoit : des ombres de froid, des chaleurs lumineuses bref un espace tactile privé de concepts.


Dans une telle œuvre il n’est plus question de  retrouver nos idées, nos clichés. Nous sommes en face de ce qui nous échappe. Pour autant il ne s’agit pas de songes : Solange Kowalevski ne rêve pas ; elle crée en dépassant son époque pour l’éprouver comme une fin de monde. Toutefois les formes en circulations libres, leurs intersections, leurs chorégraphies échappent à une vision délétère du monde. L'artiste préfère une légèreté pleine d’alacrité sourde. Le « désordre » formel prend de revers les formalismes et s’inscrit contre la mort. Son abstraction est donc très particulière, elle cherche l’insondable, l’inexplorable plus qu’une gloire céleste. La plasticienne subvertit toutes les arrogances qui ont alourdi ou détourné de leur cible bien des œuvres du XXème siècle et du XXIème siècle naissant. Sans modelé, ni clair-obscur l’œuvre  reste d’une profondeur infinie qui ne cesse de s’étendre dans un mouvement paradoxalement immobile capable de donner au silence sa beauté.  La sauvagerie et les errements du trait demeurent autant pour évoquer un anéantissement qu’une reprise vers une harmonie poétique. Solange Kowalewski  la renouvelle loin des toussotements orthodoxes qui trop souvent ne donnent que des leurres d'espérance en ne dupliquant que du même sous leurs faux algorithmes picturaux.

 

J-P Gavard-Perret


Exposition des Œuvres de l'artiste : Galerie Chappaz, Trévignin (73), du 3 au 31 mai 2014.

 

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