Alexandre Dumas, un romancier sur la scène

Sur un coteau, à Port-Marly, s’élève une demeure qui ne manque pas de séduire et retenir le regard, avec son étonnant ensemble de sculptures, motifs floraux et animaux qui animent la façade. On peut reconnaître dans les visages de pierre Shakespeare, Dante ou encore Virgile. Au fronton, les armes du propriétaire, et sa devise : « J’aime qui m’aime ». Un parc l’entoure. Alexandre Dumas, dans ce cadre aussi prestigieux qu’insolite, bâti par ses désirs et décoré par ses rêves, travaillera avec bonheur, recevra ses amis et ses admirateurs les plus fidèles.

Personne qui ne puisse citer au moins quatre ou cinq titres de romans du grand écrivain. Plus difficile pour ses pièces de théâtre. Car si Le Comte de Monte-Cristo et Les Trois Mousquetaires sont universellement célèbres, moins connues sont des œuvres comme Kean, La Tour de Nesles ou Antony dont Dumas disait lui-même que ce « n’est point un drame ; Antony n’est point une tragédie, Antony n’est point une pièce de théâtre, Antony est une scène d’amour, de jalousie, de colère, en cinq actes ».

Sylvain Ledda, qui est professeur de littérature française à l’Université de Rouen-Normandie et un spécialiste reconnu du romantisme, analyse dans ce petit ouvrage ce qui fait que Dumas aura été autant un « enchanteur » qu’un « infatigable entrepreneur », c’est-à-dire un romancier qui ne cesse de s’intéresser à tout ce qui touche au théâtre, des interprètes aux coulisses, et reste sensible autant aux applaudissements qu’à la critique. L’œuvre dramatique est en lien constant avec l’œuvre romanesque et il ne faut pas dissocier les deux.

Le rapport de Dumas « à l’art dramatique est intuitif avant d’être savant » note l’auteur avec justesse, car Dumas, « crinière ébouriffée, redingote et gilet de velours noirs, à la Titien », un visage qui est familier à tous, sait comment, à l’instar de sa demeure, séduire et retenir l’attention des spectateurs comme des lecteurs. On a dit qu’il avait été jusqu’à « prendre le public dans ses rets avec ses grosses ficelles ». Non, Dumas a été un écrivain libre, indépendant, un combattant passionné et passionnant de la plume au service d’une pensée extraordinairement riche, colorée, inégalée, qui n’a pas vieillie et qui de nos jours peut encore ravir bien des esprits curieux.
Sylvain Ledda termine ces pages qui éclairent bien toute la démarche théâtrale de Dumas en rappelant qu’elle a été véritablement « une aventure artistique et humaine donnée en partage ».

Dominique Vergnon

Sylvain Ledda, Le théâtre d’Alexandre Dumas, Ides et Calendes, mars 2019, 128 p.-, 10 euros

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