Pleins, liés et déliés de Tamina Beausoleil
Les « sœurs » de Tamina Beausoleil se veulent plus que nues pour franchir des limites indicibles et concrètes. Les frontières volent en éclats. Tout palpite là où les corps se rejoignent oubliant le sommeil en un lit de formes qui se superposent. On imagine des odeurs d’herbe tiède, de premiers lilas, de jacinthes bleues. Il s’agit d’aller dans les averses, les pourpres du coucher/coller. Très loin peut-être, dans le corps, là où, dans la réalité, il rêve d’aller sans jamais y parvenir.
Tamina Beausoleil sait garder intacts le choc de la rencontre, de la prise et les étincelles de la découverte où les corps trouvent une harmonie. Ils se donnent, totalement, intensément reliés par la force de l’art et son épais et léger besoin de « combler ». Reste la puissance de l’échange presque impossible, de la rencontre folle, incontrôlable et pourtant toujours la même dans le déferlement des formes et les eaux moirées du demi songe où les corps glissent l’un dans l’autre.
L’artiste remet en scène le vieux désir venu du fond des âges, sa force atavique, mystérieuse et implacable. Hantés, possédés les corps sont reliés par cette fièvre de l'éros le plus dense que les dessins proposent : ils lient autant qu’ils se regardent. Tout en dérivant par une suite d'inserts "froids" et ironiques. Reste néanmoins et par ce contrepoint la magie nocturne et solaire, violente, ardente, pornographique, soyeuse et veloutée. L’œuvre ressemble à une loi de physique : mis en présence, les corps se trouvent soumis à l’appel de ventre. Cet élan, ce torrent, ce cyclone pourrait-il se dissoudre ?
Sans doute. Mais pas tout de suite. Et pas en totalité. Tamina Beausoleil prouve par de simples traits et une figuration en transparence que tout corps frotté contre un autre est en danger d’incandescence et en état de luminescence provoquée par une température très élevée. A travers le désir la matière se volatilise. Ne restent que des ébauches et des lignes. Pleines de pouvoirs, elles changent l’état des corps : chair humaine, glaise de la glèbe, poussière de comète. Tout corps qui en « connaît » un autre s’expose à ne plus être lui-même pour s’éprouver avec plus d’intensité. Se fondant il se recompose en ces instants qui multiplient le temps et permettent de répondre à la question : « Et vous vous savez ce qu’il en est de l’amour ? »
Jean-Paul Gavard-Perret.
The great weird world of Tamina Beausoleil, http://sexbygirls.tumblr.com
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