"Black Science – tome 1", les naufragés de l'espace-temps

Dans un futur proche. Grant McKay et son équipe travaillent à la construction du Pilier, une machine à voyager dans les dimensions. Mais une fois l'appareil terminé, les choses ne se passent pas comme prévu : McKay, son équipe et ses enfants sont propulsés dans une autre dimension. En plus d’atterrir dans un espace inconnu et hostile, ils découvrent que le Pilier a été saboté par un membre de l'équipage. Leur seule porte de sortie : dériver au hasard à travers l'espace-temps, en espérant retrouver un jour le chemin du retour…


Rick Remender revient au space opera, genre qui l'a fait connaître avec Fear Agent, et signe un titre qui se rajoute à la belle collection de séries de science-fiction publiées en France depuis le début de l'année (lire les critiques de Lazarus, The Wake, Drifter, ou Nowhere Men). Black Science rappelle furieusement les pages des Weird Science et autre Weird Fantasy des années 50, soit la période de l'âge d'or d'EC Comics.


Dès les premières pages, Remender propulse les lecteurs à l'autre bout de l'univers, les plonge dans l'action : on ne sait pas bien ce que son héros, Grant McKay, fait là à ce moment-là, mais le monologue intérieur traduit une frayeur transmissible. Parfaite introduction in media res, pour découvrir un héros étonnant. McKay n'est pas un héros positif : c'est un individualiste imbu de lui-même doublé un mari volage. S'il a réussi à briser les frontières de l'espace-temps grâce son invention, il a aussi réussi à détruire sa famille.


Les dessins de l'italien Matteo Scalera sont tout à la fois magnifiques et dérangeants. L'histoire ne pouvait fonctionner que si le dessinateur réussissait à transcrire les incroyables visions de de Remender : grenouilles humanoïdes despotiques ou techno-sioux luttant contre la Waffen SS, pour donner un petit échantillon des créatures que vont croiser McKay et les siens. Autant de visions délirantes et franchement casse-gueules auxquelles Scalera prête vie avec une aisance presque bluffante. Ses monstres sont beaux mais inquiétants. Et non seulement il fait le boulot haut la main, mais il y ajoute une intensité, une vitesse proprement incroyables : Black Science pourrait être contemplatif ; au contraire, il ne laisse aucun répit au lecteur qui finit ce premier tome comme les compagnons de McKay, sur les rotules.


Le mouvement, voilà ce qui caractérise bien la narration de Remender. Le scénariste construit son histoire autour de deux lignes narratives : le présent (McKay et les explorateurs perdus dans l'espace-temps) et le passé (l'élaboration du Pilier). Les liens étroits entre ces deux périodes permettent à Remender de faire rebondir ses intrigues (quelle relation entre les membres de l'équipe ? Qui a saboté le Pilier ?). Et quand l'auteur nous a bien embarqué dans son histoire, il déploie un arsenal d'outils narratifs redoutables d'ingéniosité : inutile d'en dire plus, ce serait gâcher le plaisir.


Ce premier tome de Black Science se lit d'une seule traite, parce que c'est un comic-book jouissif, riche et parfaitement maîtrisé, qu'on ne veut plus lâcher une fois en main (je me répète mais quelle introduction !). Le tome 2 sort très bientôt : inutile de vous dire qu'on va vous en reparler très vite.



Stéphane Le Troëdec



Rick Remender (scénario), Matteo Scalera (dessins)

Black Science – tome 1 : De Charybde en Scylla

Cet album compile les épisodes 1 à 6 de la série Black Science publiée aux USA par Image Comics.

Édité en France par Urban Comics (13 février 2015)

Collection Urban Indies

176 pages

10,00 euros

ISBN : 9782365775915

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