Nicole Caligaris : squeletton  

Dans ce livre, un chauffeur fou est masqué d’un crâne, un macchabée bouge encore et s’entête à vomir les somnifères. Mais ce ne sont là que quelques exemples d'une confusion astucieusement organisée : celui d'un magma humain en décrépitude.
L'ordre de la fiction est double : il va vers l'arrière comme vers l'avant. Un courtier d’assurance méphistophélique traque les pauvres et les surendettés sans comprendre que lui aussi est prêt de basculer ou glisser sur une pente pleine de sable.

Le narrateur néanmoins espère encore là où pour tout argent comptant la vie tente d'imiter une carte postale. "L’eau bleue et noire d’un fjord" semble le plus sûr onguent pour ravauder les couleurs de l'existence.

Mais le monde se renverse. Et qu'importe les imbattables léopards en Motobécane grenat qui au nom de Mercure "dieu des filous font ce qu'ils peuvent pour sortir de leur méat. Finalement ils resteront des princes qui n’ont que leur peau, sans s’occuper d’aller nulle part.
Les beaux quartiers ne sont jamais loin mais restent impénétrables. Chacun espère trouver un passage mais tout se transforme en mirage. Rien de possible ni de nouveau. Tout est bouché. Et les "trois petits tiers (Hypnos, Thanatos, Coma), venus au monde avant d’être formés comme il faut" ne font que tanguer sous fond de musique amplifiée.

Au nom de la "General Management" les jeux sont pipés. Pour ceux qui sont ses employés comme pour ses obligés. Et qu'importe les sentiments. Le narrateur a bien une amoureuse (comptable dans son entreprise) mais cela ne suffit pas. Ne suffit plus. Ou n'a jamais compté.
Le crédit revolving a finalement raison de tout. En son nom tout se paie bien plus cash qu'on ne le croit. Le manège est au point et la fête tourne court. Restent pour le sublimer la guerre et ses brasiers. Ils triomphent. Les filles qui donnent le nom aux chapitres (Ipanema, Polly, Faustine, Aurélia) n'y changent rien du tout. Elles enfoncent le clou. Sous le carnaval espéré s'épouse en promise une existence où rien ne tient la route (Motobécane ou non). Et le psychédélisme d'apparat ne reste qu'un habillement chamarré de la vie des morts vivants.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Nicole Caligaris, Carnivale, Éditions Verticales, janvier 2021, 392 p.-, 21,50 €

 

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