Virginia Woolf dans la forêt des mots

Prendre des mot n'est pas forcément les saisir. Encore moins les posséder. Toucher. Ce sont d’abord des vestiges. Ou des états naissants. Ce qui revient au même. Car les mots sont fuyants. Certes, « Les mots ne vivent pas dans les dictionnaires, ils vivent dans l’esprit. Mais ils restent parfois rebelles. Si l’on en voulait la preuve, qu’on se souvienne combien de fois, aux instants d’émotion, on les cherche sans les trouver, quand on en a le plus besoin. » Virginia Woolf prouve donc qu’on possède moins les mots qu’eux-mêmes nous possèdent :  «  Il n’y a rien de plus sauvage, de plus libre, de plus irresponsable, de plus impossible à dresser que les mots. »


L’auteur sut comment s’en approcher. Elle a  procédé par caresse comme par pression.  Elle pris la mesure de leur peau,  de leur paroi, de leur écorce, de leur mue mais aussi de leur connaissance. Tout dans ce texte le prouve en sa dynamique. Partant de la loi des mots Virginia Woolf s’en échapper  pour mieux  les rattraper. Frottés aux parois de son crâne ils rendent ses circonvolutions visibles.  Ils « montrent » et éclairent la pensée qui nous enveloppent. Ce sont donc - par delà leurs classifications - des empreintes organiques. Ils vont jusqu'à former un immense oignon où se superposent les gangues et les métamorphoses de l’écrivain comme de son lecteur. Au delà de leur abstraction anonyme de chimères ils sont aussi des "aîtres" : ce qui nous habite (âtre) et nous incorpore (être). La pensée ne se crée qu’en avançant dans leur magma, dans leur forêt.


Jean-Paul Gavard-Perret


Virginia Woolf, Le Métier, Pierre Alechinsky, Traduction de Dominique Aury, 2013, 40 pages, 10 €

 

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