Les Bourgeois : un siècle de petits riens familiaux confrontés aux grands drames de l'histoire.

Les dix personnages de la famille Bourgeois sont nés entre le début des années folles et la seconde guerre mondiale. Père éditeur, mère au foyer, ils vivent dans un appartement de six cent mètres carrés avec une multitude de chambres, une bibliothèque…
Ces huit fils et deux filles font partie des élus, travaillent dans  l’armée, la marine, la médecine, le droit ou les affaires. Une seule des deux jeunes femmes  a une activité professionnelle. Pour l’autre, c’est à vingt quatre ans la vie conjugale, elle ne sera pas chanteuse lyrique comme elle le souhaitait : "Fini le piano, adieu le chant. Il restait la chair."

Ils sont les enfants de Mathilde et Henri Bourgeois, héros de L’Élégance des veuves, roman paru il y a vingt ans. De part leur date de naissance, leur nombre et leur milieu d’origine, les dix Bourgeois sont des témoins privilégiés des mutations de la société française.
Henri, en prévision des mariages, a acheté un stock de diamants pour ses futures belles-filles. Les unions se nouent avec des filles de notaire ou d’avocat, les petits enfants naissent en nombre.

La résistance, le Vel-d’hiv, les chaises laissées vides par les écoliers juifs déportés dans le plus grand silence sont des évènements que Claude, né en 1937, raconte aujourd’hui à ses petits enfants.  Leur enfance et adolescence furent contemporaines de la construction de la ligne Maginot, de l’arrivée d'Hitler au pouvoir, des années noires du conflit qui suivit.
Leur âge mur, celui de la guerre d’Algérie.
En 1968, les aînés sont déjà âgés. Lors de la légalisation de l’avortement en 1974, les opinions s’affrontent dans la famille.
Le 11 janvier 2015, les petits  et arrières petits-enfants d’Henri sont dans la rue pour dire non au terrorisme.

Bien qu’issus de la même famille, leurs goûts et leurs espoirs divergent au long de ces chapitres écrits de façon distanciés entre passé et présent. Mais les Bourgeois "sont un corps constitué, un corps de temps, un corps de sang".
La thèse de Bourdieu et des "héritiers" court en filigrane derrière la narration mais ne prend jamais le pas sur l’ampleur romanesque tant l’ambition et l’imagination d’Alice Ferney sont immenses.

À travers les mariages, les descendances, les amitiés, les inimitiés, les succès publics, les échecs privés, les bons ou mauvais choix au regard de la postérité, l’auteur dresse la fresque ambitieuse d’une famille française, mêlant avec bonheur sur un siècle, les mille petits riens d’existences personnelles aux soubresauts et aux drames de la grande histoire.

 

Brigit Bontour

 

Alice Ferney, Les Bourgeois, Actes Sud, août 2017, 368 p., 22 €.

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