"En ce sang versé" - une nouvelle enquête de M. Mortagne, bourreau


EN CE SANG VERSÉ«C’est la pratique de la torture qui permet de distinguer à coup sûr l’homme de l’animal» Pierre Desproges

C’est une nouvelle fois avec plaisir que nous retrouvons Andréa H. Japp qui nous livre ici le deuxième tome des enquêtes de M de Mortagne. Cet auteur est une habituée de genre mêlant romans et histoire puisqu’elle nous avait enchantés avec les trois tomes des Les mystères de Druon de Brévaux. Hardouin cadet-Venelle, M. Justice de Mortagne, va devoir dénouer de nouvelles intrigues pour rendre la justice à ceux qui en ont été privés.
    
Nous avions laissé notre héro à la fin du tome 1, le brasier de justice bouleversé par la vision d’une jeune noble, Mahaut de Vigonrin, arrêtée et traînée à travers la foule pour empoisonnement. Son trouble s’explique par la ressemblance de cette dernière et de Marie de Salvin, condamnée injustement au bûcher. C’est cette injustice et le fantôme de Marie qui avaient conduit Hardouin à rétablir la justice et à poursuivre l’assassin de jeunes vagabonds sévissant à Nogent-Le-Rotrou. Le trouble d’Hardouin s’accentue lorsqu’il découvre que Mahaut et Marie sont sœurs. Toujours en quête de rédemption, il décide d’enquêter sur les meurtres dont Mahaut est accusée. Cette quête est retardée par une autre sombre affaire : celle du meurtre d’Henriette, fille aînée et préférée du sous-bailli Arnaud de Tisans, devenue moniale à l’abbaye des Clairets, est retrouvée étranglée à la porte de son monastère. Chargé d’enquêter, Hardouin comprend rapidement que la victime est loin d’être celle décrite par son père : la mère abbesse, Mme de Gausbert, semble peu encline à le laisser interroger les autres moniales qui d’ailleurs ne manifestent aucune peine face au crime horrible dont a été victime Henriette. Parallèlement, le bourreau est toujours poursuivi par la mendiante aux yeux bleus et sa macabre prophétie.
    
Une fois de plus, Andréa H. Japp réussit à nous transporter au cœur d’un Moyen-âge que l’on prend plaisir à découvrir ou à redécouvrir. Nous retrouvons sa marque de fabrique, à savoir l’utilisation du vocabulaire spécifique de l’époque, expliqué par de nombreuses notes de bas de pages qui ne font que confirmer le soucis de documentation de l’auteur également illustré par une bibliographie et un glossaire. Chose assez rare, on trouvera peu à redire sur les éléments historiques de ce roman. Plusieurs chapitres portent ainsi sur Guillaume de Nogaret et sa politique : la logique de ces digressions ne nous est pas encore apparue mais à n’en point douter, elles trouveront leur explication dans le prochain tome. Même si nous avons une petite idée sur la question, il convient de rester méfiant car Andréa H. Japp a l’art et la manière de retourner les situations et de nous emmener là où on s’y attend le moins. 
     
Pour cela, l’auteur utilise des intrigues en tiroirs. En effet, le fil rouge de cette saga, vous l’aurez compris, est la recherche de justice déclenchée par l’exécution de Marie de Salvin. Présente dans le 1er tome (qu’il est indispensable d’avoir lu), nous n’avions pas tout de suite fait le lien avec Mahaut de Vigonrin. À la conclusion de l’enquête principale, nous découvrions avec stupeur la ressemblance entre les deux femmes. Dans le deuxième tome, l’enquête sur la mort d’Henriette va permettre d’expliquer certains points du premier et à son issu de nouvelles perspectives apparaissent. L’auteur fait également le lien avec sa saga précédente, les mystères de Druon de Brévaux : elle retraçait la quête et les enquêtes d’Héloïse, une jeune femme obligée de se travestir en homme et d’endosser l’identité du mire Druon de Brévaux après l’exécution de son père, le mire Jehan de Fauvel. Hors ce dernier fait son apparition et le tome s’achève sur l’image d’Hardouin cherchant à le rejoindre pour qu’il l’aide dans sa quête pour innocenter Mahaut. Jehan n’est d’ailleurs pas la seule référence puisque Nogaret y a un rôle important de même qu’Hugues de Pisans, apparu dans le tome 1. Si l’on se souvient du goût d’inachevé laissé par Templa Mentis, d’Héloïse alias Druon poursuivant son chemin chargé d’une nouvelle mission et une première mention à une pierre rouge possédée par Jéhan dans En ce sang versé, un espoir né chez le lecteur : qu’Andréa H. Japp réalise un cross-over des deux sagas. 
     
Tout cela semble excitant mais il faudra encore attendre avant d’en avoir la confirmation. Et on en trépigne d’avance.

Julie Lecanu 

Andréa H. Japp, En ce sang versé, tome 2  des enquêtes de M. Mortagne, bourreau, Flammarion, mai 2012, 368 pages, 21 € 
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