Ouvrir un roman d'Andrea H. Japp c'est l'assurance d' une immersion dans la période médiévale, période parfaitement maîtrisée par cette romancière experte en best-sellers historiques et policiers. Après la saga de La dame sans terre, celle Des mystères de Druon de Brévaux et Les enquêtes de M. Mortagne, bourreau, Andréa H. Japp vient de publier le premier tome de la malédiction de Gabrielle, le fléau de Dieu.

En 1347, la Peste noire frappe le port de Marseille et il ne lui faut que quelques mois pour atteindre Paris. Ce fléau de Dieu frappe sans distinction les âmes damnées comme les âmes pures, les riches comme les pauvres, les hommes de Dieu comme les puissants de ce monde. Sans remède, rares sont ceux qui y survivent et ceux qui ne l'ont pas encore, cherchent à s'en préserver même si cela les pousse aux pires horreurs. Récemment installée à Paris, Gabrielle d'Aurillay a toujours rêvé d'amour courtois et ses rêves sont devenus réalité : elle a épousé Henri qu'elle pense être un prince charmant et dont elle attend un enfant. Pour lui, elle accepte de vivre de peu comme le veut l'adage " vivre d'amour et d'eau fraîche". Mais tout va s'écrouler le jour où elle découvre que son charmant mari est en réalité un joueur invétéré, menteur et escroc de surcroit qui passe son temps à trousser les puterelles. Désespérée, elle s'enfuit du domicile conjugale non sans emporter un mystérieux diptyque qu'elle pense être le seul bien de valeur du couple. Elle n'est pas loin du compte puisqu'il attire de nombreuses convoitises. Enceinte, seule dans une ville où se répand un terrible mal entraînant mort et atrocités, Gabrielle, innocente et rêveuse, va devoir se prendre en main et devenir une femme qu'elle n'aurait jamais imaginé devenir : une femme forte et indépendante.

            Nous retrouvons plusieurs ingrédients déjà utilisés dans les précédentes saga d'Andréa H. Japp : une héroïne fragile qui va devoir s'assumer seule face aux hommes et aux événements de son époque, un objet mystérieux qui déclenche la convoitise des puissants, des alliés inattendus et une histoire d'amour potentielle. A force de tirer sur les mêmes ficelles, le risque n'est-il pas de créer une certaine lassitude chez le lecteur? C'est cette question que l'on peut se poser après la lecture de la quatrième de couverture. Pourtant, l'alchimie fonctionne de nouveau. D'abord parce que l'on rentre rapidement dans l'histoire et que l'on est intrigué par le personnage de l'Egyptienne et par ce fameux diptyque. Que signifie les phrases en hébreu qui y sont inscrites? En quoi représente-t-il un danger pour l'Eglise? Ensuite parce que l'on prend fait et cause pour la jeune Gabrielle. Innocente et aveuglée par l'amour, elle agace d'abord avant de nous intriguer au fur et à mesure que son caractère se révèle face aux épreuves qu'elle traverse. Mais surtout, une fois encore, Andréa H. Japp nous emporte au cœur du XIVe siècle par la précision de son vocabulaire, des faits qu'elle rapporte et la description qu'elle fait de cette période noire. Il faut également noter la présence d'une postface consacrée aux recherches et théories sur l'épidémie qui a décimé la moitié de la population européenne du XIVe siècle. En effet Andréa H. Japp, Lionnelle Nugon- Baudon de son vrai nom, possède une maîtrise de biochimie, en génétique et un doctorat en biochimie ainsi qu'un diplôme de toxicologie et un autre en bactériologie à l'institut Pasteur. Autant dire qu'elle maîtrise son sujet : à travers son roman et sa postface, elle remet en cause la théorie selon laquelle cette épidémie serait celle de la peste bubonique.

Un roman d'Andréa H. Japp ne se lit pas uniquement pour sa trame romanesque. C'est une immersion dans l'Histoire. Seule frustration : devoir attendre pour découvrir la suite des aventures de Gabrielle dans ce qui devrait être une trilogie.

 

Julie Lecanu

Andréa H. Japp, Le fléau de Dieu, tome 1, La malédiction de Gabrielle, Flammarion, octobre 2015, 391 pages, 21 euros.