Anne-Sophie Tschiegg : un drôle d’air

Anne Sophie Tschiegg pense à l’air qui caresse sa peinture. C’est indécent mais obligatoire. L’air n’est ni masculin ni féminin lorsqu’il ne s’agit pas substantif masculin « un air » mais de sa matière, puisque l’air qu’on respire n’a pas encore de genre. Cet air se frotte donc  à la toile, il(elle) s’y plonge comme dans une piscine aux bords bien délimités puisque le tableau lui aussi en possède. En son  sein il n’existe plus de logique mais des formes étranges ou parfois et plus simplement des masques. L’air passe alors par  un corps sexué pour avoir un article qui compte. L’air qu’expire Anne Sophie Tschiegg est donc féminin elle y mêle moins des notices du quotidien qu’une recherche rythmique et bigarrée qui lui donne « l’assurance de pouvoir s’y perdre » en incidence végétales et bouquet de couleurs.

 

La traversée de la peinture reste ouverte et se nourrit des activités connexes de l’artistes : collages, « récréations » publiées aux éditions Derrière la Salle de Bains. Mais ce qui compte est la couleur : imprenable comme la neige elle reste l’obstination de celle qui veut en faire le vecteur de l’émotion fugitive et « du parfum premier ». En ce sens elle est la dernière des impressionnistes. Elle cherche la pulpe de la matière dans la vibration de l’air (on y revient) par effets de couches successives qui se perdent en chemin. Le corps ou la pure matière en jaillissent toujours énigmatiques. La peinture est aussi la manière de les endiguer. Mais parfois elle déborde de sa cuvette : ce sont les vagues de désir qui la poussent de derrière sa surface.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Anne-Sophie Tschiegg, « Récréations », Editions de la Salle de bains, Rouen.  

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