Bondages de Misungui


 

Souvent an relation avec le Kinbaku (l’art japonais d’attacher les corps) l’artiste et modèle Misungui - dans sa capacité à offrir les formes que les cordes donnent à son corps - prouve combien cet  art ancestral est en corrélation avec le monde contemporain. Reliant deux esthétiques éloignées : le raffinement du milieu SM et la brutalité de l’urbex elle les fait se rejoindre dans leur marginalité au sein du sentiment paradoxal de liberté qui habite l’artiste. Existe dans toutes les expériences auxquelles elle se prête  une  manière d’être au monde , une exploration,  un  corps à corps dans l’éternelle (mais revisitée) dialectique du maître et de l’esclave au sein d’une beauté dérangeante - même si parfois les décors peuvent être sordides pour mieux suggérer la plasticité du corps.


Misungui demande aux photographes qui la saisissent la mise en lumière de l’intimité cachée aux regards là où évolue une humanité simple, avide moins de plaisirs que et paradoxalement encore d’apaisement. L’artiste aide ainsi le photographe (Amaury Grisel et Oli Rops dans les photos présentées) à sculpter son corps sans que celui-ci le réduise à une  marionnette dont il tirerait cordes et fils. Se transformer en morceaux de chair, figés quelques minutes par les liens pour les fixer éternellement par l’appareil photographique permet au corps de devenir moins objet que sculpture. Il n’est pas soumis aux envies du photographe mais de l’égérie qui se retrouve moins à son service qu’en sa compagnie afin de faire bouger les lignes. L’art devient une opération poétique capable d’accorder corps à la puissance du signe. Il sort de la duplicité du quotidien par  l'illusion du jeu consenti, programmé, ordonnancé pour une beauté dérangeante (sans quoi elle ne serait rien).

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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