Toshio Saeki du sadisme à la farce



Avec ses estampes érotiques, sanglantes et pleines d’humour imprégnées de reliques mythologiques ou historiques nippones Toshio Saeki  crée un monde qui jouxte des abîmes. La puissance du mal  est apparemment mise en branle pour piéger le regard à travers d’étranges cérémonies déliquescentes. De la civilisation humaine extrême orientale et de ses croyances il ne reste que ce qui en tombe. Cela n’empêche en rien l’enchantement. L’Eros reprend son importance face à Thanatos dans la magnificence que l’artiste organise selon une féerie en charpie.


 


Se nourrissant du bestiaire yokai de l’imaginaire traditionnel nippon, pour agrémenter les narrations, le voyeurisme, le sadisme et le bondage font copain-copain. Le plaisir ne jaillit que par des voies adjacentes : blessures, anguilles excitées, cordages, poulpes. Tout semble bon afin d’assouvir les désirs autant joués qu’enjoués. Ils se regardent à travers portes, fenêtres etc. S’y découvrent des hymens imprévus entre les êtres humains et fantômes, squelettes, vampires, tengû ou divers monstres dans des images à la ligne et couleur aussi claire que ses Hergé - la comparaison s’arrête là. Sauf l’humour peut-être même s’il n’est pas de même nature…


 


En dépit du caractère Grand-Guignol (quant à l’hémoglobine) Toshio Saeki ne fait pas dans le gore morbide : humains ou non les acteurs deviennent les compères d’orgies toujours imprévisibles. L’entrave fait le jeu de la liberté. Si bien que l’œuvre reste hypnotique et jouissive dans les fusions proposées. Les apparences se déforment sous la puissance d’une poésie primitive. Elle permet d’écraser l’apparence des évidences et reste propre à conserver une mémoire culturelle et la narration de la part animale, inconsciente et refoulée de l’être. Les archétypes d’un inconscient collectif  maîtres des comportements et de la civilisation sont ainsi à la fois exhaussés et ridiculisés.


Jean-Paul Gavard-Perret


 



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