Anne Lefebvre : une étrange odeur de sainteté

 

Anne Lefebvre est à sa façon une Sainte. Mais une sainte postmoderne. De celle qui  prêchent le faux pour montrer le vrai. L’inverse est vrai aussi. Ses exigences plastiques cultivent un besoin d'absolu même si « l’enfer » du sexe n’est jamais loin. Tout néanmoins reste en suspens : paradis et  flammes. Le langage propose son propre théâtre. La femme demeure seule. Nul ne sait si quelqu’un peut la suivre ou l'emporter.


En ce sens Anne Lefebvre est par delà sa "sainteté",le "modèle" même de la femme surréaliste modèle Meret Oppenheim. Devant la pitoyable comédie de l'amour  elle joue d’un certain cynisme (photographies volontairement salies ou à l'inverse surimpressions subtiles) . La position de ses femmes ramène à la clôture, à la feinte d’exhibition.  Elle illustre entre autres que de la sainte à la condamnée il n’y a qu’un pas, qu’une similitude. Le passage espéré n’a rien de possible. Comme si changer de corps, de lieu, de temps  toucherait autant au plaisir qu’à l’angoisse.


Anne Lefebvre  s’en amuse et rappelle que la voyageuse de l'amour ne fait qu’emmener avec elle ses propres bagages, son propre inconscient dans ce lieu de réclusion que devient le portrait Ses "Saintes"  nous invitent donc à prendre le chemin de le piété  « à rebours ». Le corps de pécheresse n’est pas le leur mais le nôtre. A l’évasion du premier répond la pénétration du regard du second en un lieu qui n’est plus à l’extérieur d’une frontière mais dedans.

 

Anne Lefebvre  y accomplit une avancée vers quelque chose qui tient du charme et du dépouillement. C’est pourquoi pénétrer l'œuvre n’est pas un leurre même si elle ne fait que l'illustrer. A son étrangeté  éruptive, à son attrait volcanique répond un retournement des et de sens. Voire plus. Ce franchissement permet à l’inconscient qui habituellement ne connaît pas la traversée des frontières d’être mis en connexion avec ce qui le dérange. Notre éternel traître est pris à revers.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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