Cyprien Gaillard « paysagite »


 

Cyprien Gaillard pose la question de l’être humain à la fois dans la nature et dans le temps par ses sculptures, peintures, gravures, photographies, vidéos, performances, installations et interventions dans l'espace public. Il a beau se réclamer d’une civilisation de mangoustes et de cérastes anarchiques, il doit se rendre à l’évidence : la docte ignorance de ses images émancipées pèsera toujours plus lourd que la poussière des ruines ou les flaques de lumière dont elles jaillissent.

 

Demandant à un peintre paysagiste des vues champêtres de banlieues suisses et cadrant en leur sein des barres d'immeubles (Swiss Ruins), insérant des tours modernistes dans des gravures paysagères hollandaises du XVIIème siècle, Cyprien Gaillard représente l'architecture du temps comme une ruine moderne dans l’esprit d’un peintre défendu par Baudelaire : Hubert Robert. A l’inverse il découpe certains paysages pour n’en conserver que ce qui le mérite. L’artiste cultive l’incontournable devoir de  montrer une désintégration du paysage afin de marquer la triste victoire d'une vie qui se délite.

 

Les images de Gaillard - toujours enchaînées au devoir d’être résolument  de là où elles se trouvent, sont « terrassées » par ce qu’elles découvrent et l’émotion qu’elles suscitent. Cependant, homme pugnace aux semelles de vent, l’artiste vidéaste fait sa demeure de tout, et pas n’importe quelle demeure : un nid d’araignée qui voyage par les tempêtes sans se défaire.

 

Certains y voient la vanité des vanités. De fait, confronté à l’absurdité de la construction comme de la destruction, Gaillard se trouve saisit par une réalité non ultime mais à reconsidérer. Il est donc face à une expérience douloureuse de la modernité qui du passé fait table rase. Tout se passe  comme si l’évidence était insupportable au moment où, après la fin, c’est le présent qui s’étire en baillant. Il lui faut enregistrer ces passages  pour nous donner une leçon et un ordre : sortez de vos tombes, ruinez le tertre, bousculez la pierre. L’artiste se doit de convaincre les renégats loin de l’atroce légende du XXè siècle et ce qu’elle a laissé comme ruines sous tant de facettes.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

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