Laurence Innocenti, « Hors champs ou les petites déclinaisons de l’imaginaire », La Galerie Ruffieux-Bril, Chambéry, 14 novembre – 28 décembre 2013.

Grâce à Laurence Inncocenti la Galerie Ruffieux-Bril s’ouvre à la peinture abstraite. Il est de bon ton depuis quelques années de vouloir éliminer la dichotomie entre cette dernière et la peinture figurative. Certes l’opposition n’est pas forcément radicale. Néanmoins l’abstraction n’est pas une « vue de l’esprit ». Et ce dans deux sens des termes. D’une part cette peinture répond à une évidence (depuis et au moins pour la période moderne et contemporaine  Malévitch). D’autre part et contrairement à ce qu’on a dit elle n’est pas une simple mentalisation de la représentation. Passant de l’abstraction du réel jusque – parfois - à celle des quintessences elle répond comme Laurence Innocenti l’induit à des « déclinaisons de l’imaginaire ».

Celui-ci ne s’oppose pas au réel : il représente son en-deçà et son en-delà et cela depuis les fondements de l’art au sein des civilisations les plus diverses. Dès lors la peintre reprend l’abstraction où Nicolas de Staël l’avait laissée afin de proposer l’évidence bouleversante de lieux dégagés de l’effet réaliste d’évidence. En ce sens la peinture revient à son essence même.  Elle montre ce qui se cache sous la pelure du réel pour peu qu’on s’attache à ce qu’est par essence la peinture : un rapport de formes et de couleurs.

Par cette approche Laurence Innocenti ne se désolidarise pas forcément du visible. Elle ramène à lui mais selon des modalités qui le poussent au-delà de ses retranchements. De fait et avec passion l’artiste s'oblige à la "peinture-peinture", elle se bat avec les couleurs, les formes. La créatrice revendique leur autonomie afin de prouver que l’imagination ouvre le monde dans non seulement un voir autrement mais un  outrement voir. Sans ce dernier - figuratif ou abstrait - l’art n’est rien.

Jean-Paul Gavard-Perret