Liu Xiadong : naissance de l'individualisme

Toute l’imagerie chinoise semble se concentrer dans l'oeuvre de Liu Xiadong. La Chine traditionnelle avec les nuages, la pluie, la montagne des peintres anciens mais aussi la Chine communiste qui s’effondre et la Chine libérale qui s’érige. Il y a la beauté naturelle d’un côté, la beauté de la destruction de l’autre. Preuve que les deux systèmes, capitalisme ou libéralisme, produisent au fond les mêmes effets sur les petites gens, les pauvres.  

 

Installé un temps dans la province de Qinghai, au Tibet, Liu Xiaodong (qui vit et travaille désormais à Pékin) observa la conquête industrielle de cette région par la Chine. Il mêla la réalité documentaire et un imaginaire fantastique. Ses œuvres anciennes ou nouvelles apportent un éclairage nouveau sur les réalités sociales.  On ne sait jamais si ce que l’on voit est « vrai » ou onirique. Néanmoins, et sans que le décor soit secondaire,  Liu Xiadong accorde sa dignité à l’être et trace une ligne temporelle dans la vie même si le but final reste insondable. Seul le trajet importe selon une vision bouddhiste propre au peintre. Mais un bouddhiste "critique", humoristique et érotique qui renvoie à un portrait politique très ironique de la Chine.

 

L’artiste montre combien la vitesse de son développement représente un danger. Il faut néanmoins continuer à marcher, avancer et vivre.  Relevant du réel mais tout autant de l’imaginaire l'art de Liu Xiadong se caractérise par une légèreté et une franchise de ton. Celui qui accepte  toutes les réalités de Chine garde distance et  recul face à ce nouveau bond en avant au moment où sa peinture passe de plus en plus  de l’extérieur vers l’intérieur et l'intériorité au sein d'une forme d'"occidentalisation" de son travail. Il s’agit toujours du destin des gens ordinaires, mais considérés désormais en tant qu’individus et non seulement  comme élément d'une masse.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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