Jo Vargas la rêveuse insomniaque

Les figures nocturnes de Jo Vargas rameutent autant de vacarme que de silence.  

Sous le frémissement des plis et des convulsions se cachent leur douleur, leur attente. Du noir naît la lumière. Se dit en filigrane la souffrance des amours. Mais chaque bouche, chaque regard ont devant eux un vide profond avec le rêve d’un goût ou d’une forme d’infini sur les lèvres et les paupières. Preuve que le cerveau de l’artiste garde ses rêves, ils tentent de résister à ce qui les  oppresse dans la mécanique de l’espèce. Mettant toujours le bas dans le haut, creusant les reins vers l’invisible l’artiste pose  une clarté qui s’empare de l’ombre sur les corps. Se voit leur fantôme dessous et surtout leur manque : il devient le cœur des œuvres. Sous l’aspect de mythe elles sont des serrures intimes qui portent sur l’écran noir des nuits blanches. Le corps n’est pas qu’un mot ou une image. Sa vérité tient dans les chorégraphies de Jo Vargas. Elle passe par ses yeux et ses mains. Par sa sensibilité.

 


L’œuvre reste un récit nocturne mais surtout intense. L’image ressemble à un peuple en lutte. Il sort, il se replie, se grime pour se retrouver. Il a parfois envie de se recommencer et parfois de se finir se  « déguisant » au besoin pour que le réel s’ouvre et  qu’il avance autrement qu’à tâtons en se heurtant sur l’arrête des choses.  L’artiste préfère celle de la nuit dont elle multiplie moins les ombres  que les lumières. On entre alors dans sa peau de ses personnages par divers sillons et passes. L’artiste érige une passerelle reliant le physique au mythique réinventé dans la courbure de la nuit pour atteindre plus de jour. L’étreinte est présente dans l’obscure larme de paradis en souffrance. Sans grandiloquence mais avec un sens évident du rite Jo Vargas recoud les corps tout en les distordant et en cherchant à ravager de joie la catastrophe des solitudes dans le métier du corps. Les personnages semblent parfois y vivre comme étrangers à lui. Mais demeure toujours un élan convulsif. Il n'est jamais assez puissant pour oublier  nos morts et notre passé. Néanmoins Jo Vargas  rend au corps  à sa fonction d’amour du vivant. Elle ose le trop qui provoque la douleur dans la caresse vive de l’absolu.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Jo Vargas, « De nuit », Galerie La Ralentie, Paris, XIème, du 4 avril au 10 mai 2014.

 

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1 commentaire

Jo Vargas saisit le surréalisme dans sa ténèbre nocturne avec une imposante maîtrise jumelle de Fred ou Maria . Le fantôme d' Ava Gardner rôde toujours  mais  une empreinte d'ESPERANCE , vertu théologale , se devine .

Hugo Lacroix la situe bien dans « un romantisme qui s’étendrait au-delà de l’école du romantisme ». Hommage aux  mots , tableaux , maux des artistes .