Laurie Simmons : une affaire de regard

Par ses photographies Laurie Simmons s’aventure dans des lieux obscurs de sa personnalité comme de celle du regardeur. Tout dans ses portraits joue d’un effet de surface. Mais les yeux de chaque modèle sont surprenants et fascinants. Ils laissent ouvert la question du regard : car ce qui habituellement permet un face à face se décentre tant le regard devient un gouffre ouvert non sur le fantasme mais sur la mémoire et la perception. L’artiste provoque une descente en apnée, vers les grandes profondeurs par cette présence irrévocable du regard dont  l’élan devient aussi obscur que clair : s’y perçoit non l’abîme de la femme mais de l’oeil qui se porte sur elle.


Nous voici presque malgré nous ramenés à un espace de la déposition s’agissant du corps en tant qu’objet de perte et de fascination. La femme à la fois Méduse et Mélusine vient une fois de plus affirmer son autorité par ce regard étrange. Il introduit vers le “ moi pur ”dont parlait Mallarmé mais sans que « sous » ce moi puisse se détecter une identité. Il n’est ni la réminiscence du vide sépulcral  ou du  désir. Il va bien au-delà. Le regard du spectateur devant ces yeux bijoux demeure interdit et ravi : à savoir capturé. C’est ce qui donne à l’œuvre sa puissance particulière. Il est question d’ensevelissement du voyeur. Il est porté à une interrogation dont la réponse reste problématique mais où demeure quelque chose à apprendre.


Jean-Paul Gavard-Perret


Laurie Simmons, « How we see, Jewisch Museum, New-York, 2015.

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