Les lieux rêvés d’Audrey Tabary

 

Audrey Tabary invente une réalité qui existe mais qu’on ne remarque pas. Si bien que ses images (drôles et sensibles) mettent en  l’état d’écoute. Elles « parlent » à notre place, savent ce que nous ignorons, font ce qui échappe à l’esprit et donc ce que le mental ignore. De tels clichés sont pourtant « nos » images. Des sortes de feuilles mortes qui gardent leur secret encore  intact.  L’homme s’y dresse ou y lézarde. Ses volets battent. S’éprouvent sa peur, son courage et l’enfant qui s’est perdu dans sa tête.























La photographie crée une clarté qui est lumière et non éclairage. Ce dévoilement ignore ni l'exclusion, ni la solitude. Il connaît les frontières du pathos mais ne tombe jamais dedans. La photographe la détourne afin d’établir l'équilibre entre l'ellipse orientée vers la suggestion et l'énoncé complexe  porté vers l’apparition qui n’a rien de pieuse.

Demeure la nécessité du secret et l'impératif de la monstration. « Que cherches-tu? » dit en  substance l’artiste.  « Qui suis-je ?» répond celui qui regarde son livre. « Mais encore ? » reprend la première. « Vous montrez tout ce qui manque, échappe » ajoute le second. Il comprend qu’à la mélodie, la photographe préfère la rythmique pour rassembler quelques fragments d’images au sein d’une errance aussi statique que pulsée.

Jean-Paul Gavard-Perret

Audrey Tabary, « Icones-o-claste », Corridor Elephant, Paris 2016

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