Edmond Frapier, éditeur, collectionneur et humaniste

Dans une lettre datée du 20 janvier 1926, adressée à Georges Rouault, Edmond Frapier, alors âgé de 48 ans, avoue qu’il « recherche volontiers l’amitié de ceux qui comme moi veulent mettre un peu de joie et de sincérité dans la vie ». Malgré les critiques, un déficit financier important, « la crise d’incertitude » qu’il traverse, les pertes immenses qui surviendront lors du bombardement de Royan en 1945, le privant d’une partie de ses œuvres, autant de faits et de circonstances qui entament sans décourager les passions de cet amoureux de la lithographie ainsi que le nomme Anne Yanover dans cet ouvrage qui restitue l’aventure d’un éditeur trop méconnue, Edmond Frapier (1878-1960). Ce dernier tiendra quoi qu’il arrive à poursuivre son rêve et à le concrétiser. Le voici expliqué et commenté dans ces pages.

Edmond Frapier apparaît tout d’abord comme un homme de projets, un éditeur entreprenant car outre son métier d’éditeur qui entend multiplier l’image unique en étendant à tous la possibilité de l’admirer et sa Galerie des Peintres-Graveurs, il a en effet en tête la création d’un musée Daumier dont il collectionne les œuvres. Il fonde en fait le musée social à Nogent-sur-Marne, espace didactique et culturel qui deviendra plus tard le musée du Vieux Nogent. Il est ensuite lui-même un artiste accompli, qui dessine et peint à l’aquarelle des paysages de campagne et de bord de mer.

Il est surtout en relations très suivies avec de nombreux artistes comme Pierre Bonnard, Maurice de Vlaminck, Antoine Bourdelle, Maurice Denis, Henri Matisse, Maurice Utrillo, Albert Marquet, Kees Van Dongen, Aristide Maillol. Sa vie est entièrement dédiée à la promotion et à la publication de leurs œuvres, avec des tirages qui varient en qualité selon les prix. Entre 1924 et 1935, près de deux cents planches seront imprimées et diffusées, contribuant au rayonnement de l’art français en France mais aussi à l’étranger. « Puissiez-vous, ayant appris à les connaître, mieux aimer les hommes qui vivent et les œuvres qui naissent sous nos yeux », note-t-il. Ce sont des lettres, des documents, des photos, des lithographies, des eaux fortes et des pointes sèches signées par les grands maîtres du moment que le lecteur découvre ici, toute une série de pièces témoignant et retraçant l’activité de celui qui savait solliciter ces artistes, les convaincre de lui confier leurs œuvres, en faire des amis.

Ces collaborations se nouèrent et se développèrent dans le respect mutuel et la liberté de création, Edmond Frapier n’intervenant pas dans le choix des sujets. Son attention à leur travail le conduisait même à leur procurer du matériel de qualité, manifestation évidente de son altruisme.

Deux ateliers ayant sa confiance se chargeaient de l’impression. Les artistes visaient les tirages, corrigeaient, orientaient l’usage des encres. Sensibilité et amour, les deux mots qu’Edmond Frapier emploie au sujet de Denis traitant le thème de la maternité, servent aussi pour ce  marchand attentif mais généreux. 

L’exposition qui s’est ouverte dernièrement au musée d’Art et d’histoire de Saint-Denis, installé dans le lieu en 1981, est une rare occasion de rencontrer un homme d’engagement et de mesurer l’importance de son action qui se dévoile dans les salles de l’ancien carmel de Saint-Denis, fondé en 1625 et qui accueillit une pensionnaire illustre pendant près de vingt ans, Madame Louise de France, fille de Louis XV. Partout, écrites sur les murs blancs, comme autant de rappels concis à leur vie spirituelle, les quelques trois cents sentences, lectures quotidiennes et solennelles pour les religieuses, constituent en quelque sorte une suite mystique qui accompagne le visiteur. Les collections comprennent des objets de l’archéologie gallo-romaine et médiévale. A voir encore l’apothicairerie, les collections relatives à la guerre de 1870 et la Commune de Paris de 1871, le fonds Paul Éluard inauguré en 1995 dans le pavillon Louis XV et qui relate la vie et les relations du poète surréaliste. Enfin signalons la salle présentant le peintre impressionniste Albert André et Francis Jourdain, ensemblier d’art décoratif.

Dominique Vergnon

Sous la direction de Sylvie Gonzalez, Un chef d’œuvre dans ton salon ! Edmond Frapier ou les estampes de grands maîtres à portée de tous, 22x27 cm, 138 illustrations, édition du Musée d’art et d’histoire - Saint-Denis, novembre 2017, 96 pages, 12 euros.

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