Glissez mortels, n'appuyez pas !

Souvent attribuée à tort à La Fontaine, Glissez mortels, n’appuyez pas ! est une expression que l’on doit, paraît-il, à un quasi illustre inconnu dénommé Pierre-Charles Roy et il me plaît de la prendre aujourd’hui pour titre de cette modeste nouvelle chronique ; celle-là cette fois quelque peu paraphilosophique, selon le mot d'Edgar Morin.

Un roi, justement, avait un ami d'enfance qui était resté très proche de lui. Or, cet ami avait une curieuse habitude : quel que soit l'évènement qui lui arrivait dans la vie, positif ou négatif, il s’exclamait toujours : C'est génial !

Une fois, l’ami ayant préparé les fusils, le roi et lui partirent ensemble à la chasse. Mais il y eut sans doute une bêtise de faite puisque l'un des fusils explosa, privant le roi de son pouce.
Au moment où cet accident arriva, l'ami s’exclama, bien sûr, comme à son habitude : C'est génial !
À cela, le roi, qui était vraiment en colère, lui dit : Non, ce n'est pas génial du tout ! et voulu lui en donner la preuve en le jetant en prison.

Un an plus tard, alors que le roi chassait, tel jour, hors de son royaume, des cannibales le capturèrent et le firent prisonnier dans leur village. Ils l'attachèrent à un tronc, disposèrent du bois sec tout autour, s'apprêtant ainsi à le faire griller vif pour ensuite le manger selon leur coutume ancestrale.
Mais, au moment où ils allaient mettre le feu, ils s'aperçurent qu'il lui manquait un pouce. Une de leurs croyances étant qu'en le mangeant il leur arriverait la même chose, ils détachèrent le roi et le laissèrent partir.

Sur le chemin du retour chez lui, exténué, choqué, le roi se souvint des circonstances dans lesquelles il avait perdu son pouce.
Aussi, à peine revenu, il se fit directement conduire à la prison pour tout de suite parler à son ami.
Tu avais raison, mon très cher ami, lui dit-il, c'était génial que je perde mon pouce, et il lui raconta ce qui venait de lui arriver.
Je te supplie donc de me pardonner de t'avoir laissé croupir en prison si longtemps. C'est bien mal de ma part de t'avoir fait subir là ce que tu ne méritais point !
Son très cher ami lui répondit bien sûr, comme mille fois déjà entendu : Mais non, c'était génial au contraire !
Qu'est-ce que tu veux dire ? Comment le fait de t’avoir jeté en prison, toi, mon très cher ami, pourrait-il avoir été génial ?

Et l’autre de lui rétorquer : Si je n'avais pas été en prison, j'aurais été avec toi. Et alors, moi, ils m'auraient mangé !

Voilà qu'une amie, à qui je viens de partager ce conte africain comme il y en a tant qui, par bonheur, circulent par chez nous aujourd’hui, m'écrit en retour : Ce genre d'histoire fait toujours du bien ! Dans le même sens, une amie bouddhiste me disait toujours (et jusqu'à l'heure de sa mort !) : Tout est parfait !
Je me répète moi-même maintenant cette phrase tous les jours...

Pour ma part, ce Tout est parfait ! bouddhiste me fait du coup penser à une histoire véridique transmise en son temps par feu le docteur Janine Fontaine au cours d’une interview à propos de celui qui l’initia à la Médecine des trois corps qui est le titre même de l’un de ses bouquins : il s’agit de celle d'un gars cancéreux au dernier degré qui, en désespoir de cause, s'était donc rendu auprès de Tony Agpaoa, le plus fameux et efficace guérisseur philippin des années soixante-dix.
Après l'avoir examiné et traité, ce maître dans l’art de guérir ses semblables à mains nues lui déclara alors seulement, tout de go : Maintenant, ne vous inquiétez plus, dans quinze jours vous irez beaucoup mieux !

Effectivement, quinze jours plus tard, recta, il mourait enfin totalement en paix comme, toutefois sans l’alerter en ce sens, Agpaoa le lui avait prédit – ou conseillé ? –  à demi-mot au même moment crucial pour le corps et l'esprit où pourtant, à contrario, nombre d'autres malades venus le consulter s'en trouvaient soudain par exemples frappants mystérieusement  guéris.

Mais de toute évidence, n'est-ce pas chaque jour et en toute circonstance que de toute façon – n'empêche, toujours aussi sacrément étonnante – ainsi va la vie ?

André Lombard

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