Édition : un billet d'humeur

D’abord furtivement aperçus, au passage, dans la vitrine d’un libraire, il a suffi de trois titres présentés, alignés côte à côte, pour que – instantanément évident – celui d’un prochain ouvrage à écrire et à publier au sein de cette collection me saute à l’esprit.
Je m’arrête donc et reviens sur mes pas vers la boutique, j’entre, en choisis et en achète un sur-le-champ. Le feuilletant, je peux aussitôt y consulter la liste de tous les déjà parus Dans la même collection en même temps que prendre quelque peu connaissance de la ligne éditoriale de la maison.
Là-dessus, me faisant fort qu’un tel projet d’écriture est pour moi envisageable puisqu’il s’agit d’un court roman de cent-trente pages (dont le personnage central est, à chaque fois, non quelqu’un, mais se trouve être un tableau),  je prends contact par courriel avec la responsable éditoriale pour lui proposer ma candidature à réception de laquelle nous eûmes aussitôt, désormais par téléphone, plusieurs échanges à mon sens tout à fait de bon augure autour de l’œuvre en question proposée : le premier Quatre saisons de Fiorio qui, par bonheur, lui parlait également beaucoup.
Et me voilà embarqué dans mon rêve, un peu chaque jour je contemple en esprit ce tableau inépuisable selon les mots de ce cher Claude-Henri Rocquet.
Je le médite en même temps que, tour à tour, je le tourne et le retourne, l’examine de près, en détail, m’en imbibe, m’en infuse à vrai dire encore un peu, corps et âme, tant il me touche et m’enchante depuis si longtemps maintenant ; ayant même soudain comme le pressentiment que je vais le découvrir pour de vrai, pour de bon, et m’en repaître cette fois comme jamais, par le biais de l’écriture !
Pourquoi pas !  me suis-je dit en effet, enthousiaste, tandis que se formaient les premiers petits grains de sable…
— C’est que, d’habitude, les auteurs nous proposent un travail terminé, tandis que vous n’en avez pas même encore écrit la première phrase ! Et sachez que la liste des textes élus pour paraître en 2024 est d’ores et déjà arrêtée.
— Ce qui me laisse donc le temps d’écrire ; cent-trente pages en une année, ce n’est tout de même pas la mer à boire !
Me disant déjà, in petto, que de toute façon et quoi qu’il en soit de l’avis finalement favorable ou pas de l’éditeur, j’écrirai ce Quatre saisons sous un même ciel, mon seul désir m’étant désormais une motivation largement suffisante.
Une fois le premier chapitre venu, d’un trait comme à la régalade, je demandais s’il se trouvait bien en phase avec les critères majeurs de la collection.
Et là, changement de cavalière au bout du fil ! L’aimable responsable éditoriale s’est carrément métamorphosée en critique acariâtre ne voulant visiblement prendre aucun risque au motif que la structure narrative – un dialogue de sept ou huit pages – ne ne lui disait rien car j’y partais à son avis dans tous les sens. Argument qui, à mon avis contraire et toute modestie mise à part, n’était qu'un faux prétexte puisque en ce tout premier chapitre d’introduction, l’on ne quittait pas d’une semelle l'artiste à l’œuvre dans son atelier pour, tout d’abord, mieux faire sa connaissance.
La véritable raison étant, en fait, que Fiorio n’est pas un nom d'étoile assez connu et renommé dans le ciel fort encombré de la peinture.
Ayant consulté sa page Wikipédia, mon interlocutrice m’avait dit avoir trouvé intéressant qu’il soit parent de Giono, mais regretté, par contre, qu’il n’y avait pas plus de musée Fiorio en France que d’exposition monographique en vue pour bientôt servir de vitrine à l’éventuel bouquin. Faille rédhibitoire, péché mortel que celui-là !
Ce genre de concubinage entre le monde de l’édition et celui du commerce fait qu’on n’y déroge pas à nous resservir toujours la même cinquantaine (même pas !) de grands noms médiatisés à outrance pour canaliser les esprits sans prendre – en tout cas le moins possible – de risques financiers !
Et puis, ne voilà-t-il pas que, pour finir, mon interlocutrice me lance, présenté en guise de lot de consolation et d’encouragement qui, ne mangeant pas de pain, en dit cependant long et confirme l’incroyable fameux degré de condescendance de trop nombreux éditeurs parisiens : Mais écrivez donc quand même votre livre, il pourra intéresser un éditeur de province.
Pourquoi, dame, préciser de province ?  Parce que –  je ne vous le fais pas dire, je vous le demande – l'on y serait donc peut-être bien quelquefois moins cons, intégristes, prétentieux et sectaires qu’on l’est ordinairement dans le milieu de l'édition régnant à toute force sur la France depuis le clocher pointu de Saint-Germain ?
Le hasard nous ressemble observe un ami, et je crois bien que c’est vrai.

André Lombard

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1 commentaire

Cher André,

Tout ça est désolant...
Je n'ai pas de mot, je reste sans voix...
Pour trouver le "bon côté" dans tout ça, c'est que vous allez écrire ce nouveau livre Quatre saisons sous un même ciel !
Ne vous découragez pas.

Amitiés,
Florence