La croisière noire est une expédition qui a marqué son époque. Tous s’en souviennent au milieu des années 1920. Lorsqu’André Citroën décide de renouveler l’exploit africain en traversant cette fois, à bord de ses automobiles, les quelques 30 000 km vers l’Asie, de Beyrouth à Pékin, il lui faut trouver une personne de confiance pour organiser la traversée de la Chine : ce pays est déchiré entre les nationalistes, les communistes et les seigneurs de guerre. Sur les conseils du Ministre des affaires étrangères, il pense à Victor Point.
Ancien marin de la Royale affecté à un poste de gratte-papier à Londres, celui-ci accepte ce voyage vers l’aventure. Mais s’il part pour l’Empire du milieu, il doit laisser à Paris celle qu’il aime, la douce et belle actrice Alice Cocéa.

De l’autre côté du monde, Point prépare dans un premier temps le voyage en définissant l’itinéraire, en rencontrant les autorités, les seigneurs de guerre et les chefs de réseaux mafieux. Mais une fois rentré en Europe, il y apprend qu’il a été choisi pour diriger l’un des convois : celui qui partira de Pékin en direction de la chaîne de l’Himalaya. Car les Russes ont refusé de renouveler les laissez-passer sur leur territoire : il faudra donc traverser les plus hautes montagnes du monde. Et dans le cas où les hommes passeraient sans leurs véhicules, la présence du groupe de Point de l’autre coté de l’obstacle permettrait de repartir. Il va donc devoir jouer les roues de secours.

Mais à peine arrivé en Chine, les ennuis commencent : victime du contre-espionnage populaire, des incidents techniques ou de mauvaise volonté du gouvernement chinois, le groupe avance à la vitesse d’une fourmi. Et dire que Victor avait promis à Alice de revenir d’ici six mois...

Le Marin, l’Actrice et la Croisière Jaune en est aujourd’hui à deux tomes. Le premier, Un nouveau départ sorti en février 2010 nous entraîne sur les préparatifs de l’aventure alors que son petit frère Chemin de pierre nous offre pour l’été le début de l’aventure sur le terrain. C’est un très beau récit dans le pur style des aventuriers de l’automobile ou de l’aviation, de ces êtres qui représentèrent le progrès, de ces hommes qui décident de réaliser l’impossible et d’abolir les distances ! Certains, en volant, traversèrent la Manche, d’autres des montagnes.

Point, Citroën et ses amis le feront avec leurs bras et leur voiture : les autochenilles. Il est intéressant de constater l’ironie du sort que soulignent les auteurs : d’un coté, le groupe Pamir est accueilli avec liesse et honneur, de l’autre le groupe Chine, guidé par Point, doit affronter les plus grands obstacles.

Si au niveau du scénario, inspiré de faits réels, il n’y a rien à reprocher à ces deux tomes, il convient de souligner que graphiquement l’œuvre apparaît un peu inégale. Avec de superbes couleurs, Poitevin réussit de nombreuses fois à nous emporter. Son crayon transmet beaucoup de sentiments sur certaines planches ! Mais de temps à autres l’ouvrage apparaît triste, figé, sans vie. A croire que deux artistes, l’un de talent et l’autre plus banal, se sont côtoyés dans le dessin de cette BD. Ceci mit de côté l’ouvrage reste néanmoins de ceux qu’il faut avoir lu.

Avec simplicité, les artistes racontent l’histoire des pionniers de l’automobile dans le pur style narratif de la belle époque de la bande-dessiné franco-belge.

Profitons-en !

 

Pierre Chaffard-Luçon

Article publié le 7 octobre 2011 sur lelitteraire.com

Mautière & Poitevin, Le Marin, l’Actrice et la Croisière jaune, tome 1 : "Un nouveau départ", Soleil, février 2010 ; tome 2 : "Chemin de pierre", Soleil, juin 2011, 48 p. - 10,50 € chaque album