Fred Bernard : Si le fromage m’était comté

Fred Bernard nous avait confié ses Chroniques de la vigne, conversations avec mon grand-père (Glénat 2013), qui cueillait les secrets des vignerons de Bourgogne. Il a délaissé sa région natale et pris la route vers la Franche Comté pour mener une autre enquête. Au sujet d’un des plus fameux fromages : le comté, cette fois-ci. De rencontres en portraits, d’anecdotes historiques en observations personnelles du côté de Poligny, le dessinateur nous explique comment on élabore ce fromage de meules exceptionnel.

 

Dans le Jura, il fait froid plus souvent qu’à son tour. Les vaches montbéliardes sont généreuses en lait, qu’il faut conserver. La meule est une épargne de 450 à 500 litres de lait dans un portefeuille circulaire qu’on peut stocker l’hiver : la meule. En été, il faut d’abord réussir les foins. Le bétail est gourmand – environ 70 kilos d’herbe   mâchouillés par tête. Ensuite, il faut laisser tiédir le lait de la traite. On y ajoute des ferments lactiques qui acidifient la potion. On procède au décaillage pour retirer l’eau, avant de chauffer le tout. Le brassage permet d’évacuer le petit lait. Après cela, on moule, on presse. Puis, patiemment, pour faire passer le froid de l’hiver, on sale, on frotte et retourne les meules pour qu’elles ne se couvrent pas de moisissures. Il n’y a plus qu’à laisser vieillir les galettes dans le coffre-fort d’affinage.        

 

Voilà pour la recette d’élaboration. Mais ce que nous apprend Fred Bernard, le nez au vent, curieux de savoir et non de croire, c’est la qualité humaine de cette Appellation d’Origine Contrôlée. La particularité du comté, c’est l’élaboration patiente et collective dans ces fameuses fruitières – plus de 150. Des petits kolkhozes où s’assemblent le savoir et la mémoire des hommes du Jura, génération après génération. Ces micro-organisations ont sauvé le comté d’un étranglement par les géants de l’agro-alimentaire. Trop compliqué à gérer, ces petites coopératives à l’esprit frondeur ! Une bonne leçon de micro-économie à l’heure du village global.

 

Dans cette bande dessinée, vous apprendrez à peu près tout ce qui fait le comté : l’amour des montagnes, les vaches sur le pré, le bon lait, la qualité d’une meule, la «roue des arômes du comté » et bien d’autres secrets de fabrication. Fred Bernard, aquarelliste tendre et passionné, une fois de plus, nous enchante par la modestie de son entreprise et la générosité de ses couleurs. Surtout, on sent qu’il aime les gens : Un terroir, ça ne se définit pas seulement scientifiquement, mais aussi humainement, et surtout collectivement. Une belle leçon d’humanité et de partage. Préparez quelques dés d’un comté 28 mois. Servez-vous un verre de savagnin ! Ensuite, savourez cet album. A la vôtre !

 

Frédéric Chef

 

Fred Bernard, Chroniques de la fruitière, Voyage au pays du Comté, Glénat, octobre 2016, 152 pages, 19, 50 €

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