La mer est la plus belle héroïne de "La ballade de Magdalena"

L’Humanité a découvert en 1914 le concept de la guerre mondiale. Or, souvent, lorsque celle-ci est racontée à nos enfants, il est possible de voir les champs de la Somme, les batailles des Dardanelles, les tirailleurs Sénégalais aux côtés des soldats « blancs », la guerre maritime dans la Mer du Nord, le combat des Dardanelles etc.

Pourtant, un théâtre d’opération est souvent oublié. L’Océan Indien. Certes, il ne s’y passa pas les plus grandes batailles de cette guerre. Il n’y eu pas non plus un nombre de morts à faire rougir les mers. Mais pourtant le conflit a frappé cet immense étendu d’eau. Et tel est le point de départ de la Ballade de Magdalena.

 

Car, après qu’une tempête ait mené à la mort son père, la jeune fille et son oncle sont repêchés par un navire civil anglais. Ils apprennent alors par la bouche du commandant, un de leur ami dans ces lointaines colonies, la rivalité qui oppose leur deux pays. En effet, Magdalena et Lukian sont allemands, originaire de Hambourg. Ils décident cependant de laisser ce détail de côté : ils ne sont pas soldats, juste des planteurs de cotons.

Seulement, trois destroyers anglais mouillent devant Morobé en Nouvelle-Guinée et donc devant la plantation des Bruckner. Sanguin comme pas deux, Lukian fini emprisonné avec la garnison. S’ensuit une évasion, le vol d’un navire et un choix : prendre ou non sa place dans la guerre qui secoue l’Océan indien. Rien de moins qu’une guerre de course, comme à l’ancienne.

Mais à leur périple s’ajoute une personne de plus, Léonie de Sars. Cette française est à la recherche de son père qui a quitté Bordeaux pour aller découvrir le monde. Or sa présence est indispensable pour le négoce de la famille… La demoiselle suit donc Lukian qui est le dernier à avoir vu son père. La rencontre entre Léonie et Magdalena va causer un changement chez les deux jeunes femmes : l’une découvre le monde, l’autre quitte son mutisme…

 

Parler de La Stratégie du poisson-flute n’est pas possible sans évoquer un paradoxe intéressant : dans cette BD, qu’importe les héros, qu’importe l’histoire et qu’importe l’Histoire – pourtant source de nombreuses BD exceptionnelles – car seule compte la mer, celle qu’on voit danser tout au long des planches de l’œuvre.


Oui, chaque case se nourrit d’elle, de sa beauté et de sa force. Tragique, aimante, discrète ou envahissante, elle passe par tous ses états et toutes les couleurs : le soleil couchant la rougie, l’écume lui donne un aspect d’ivoire, le soleil la rend paradisiaque… Elle semble d’ailleurs parfois plus réelle sous le crayon de Christophe Dubois que les humains qu’il dessine.

Les bateaux ne sont pas en reste et offrent au dessinateur l’occasion de déployer son art. On ne regrettera donc, au final, qu’un scénario assez obscur – trop obscure – où il est difficile de comprendre les motivations de nos héros : leurs actes semblent, notamment pour Lukian, tout simplement incompréhensibles sauf à accepter la folie de ce dernier. Ce n’est qu’à la fin du tome que les différents équilibres des personnages entre enfin dans une en confrontation intéressante ! Auparavant, il y avait des opportunités que l’auteur avait néanmoins peu exploitées. Ceci dit, cela se comprend : l’ouvrage est prévu pour être en deux tomes, et c’est avec impatience que nous attendons de découvrir le suivant et l’aboutissement de leurs relations !

 

La bataille de Magdalena est un ouvrage qu’il faut avoir en cette rentrée. Afin de "s’aérer" l’esprit avec une aventure simple, belle et touchante qui reste néanmoins source d’enseignement historiques passionnants car peu connus : le navire de guerre Emden et son Korvettenkapitän von Müller, que nous croisons dans la BD, ont réellement existé. Allez donc, en refermant La Ballade, lire leur aventure…



 

Pierre Chaffard-Luçon

 

Christophe Dubois, La Ballade de Magdalena : La Stratégie du poisson-flûte, Le Lombard, septembre 2012, 64 pages, 14,99 €

 

Aucun commentaire pour ce contenu.