"Green Lantern & Green Arrow", Adams le grand

 

Un dessinateur essentiel


Urban comics publie l’intégrale de la série Green Lantern/Green Arrow : c’est ici l’occasion de revenir sur l’œuvre et le parcours de Neal Adams, génial dessinateur américain qui eut son heure de gloire dans les années 60 et 70 et qui marqua différentes séries de comics (citons pêle-mêle les X-Men, les Avengers, le Spectre et surtout Batman (il est ainsi le créateur de Ra’s al Ghul, incarné par Liam Neeson dans Batman Begins de Christopher Nolan). Contrairement à Jack Kirby, il n’a créé que peu de personnages marquants. Par contre, son influence graphique fut immense.

 

Marqué par l’hyperréalisme et son passage dans la publicité, Neal Adams propose des découpages dynamiques qui tranchent nettement avec son époque (même si un Gil Kane était capable de proposer ce type de découpages). Adepte des ambiances nocturnes (voire macabres), il fit merveille sur Deadman et Batman. Pour ce dernier personnage, il le ramena à ses origines et en refit un détective, hantant les bas-fonds de Gotham à la recherche de ses ennemis, dans la grande tradition des pulps et des romans noirs. Par la suite, Adams a déçu en fondant une maison d’édition, Continuity, qui ne proposa que des imitations et des succédanés de personnages Marvel et DC. Il est revenu dans les années 2010 sur Batman (proposant une histoire incompréhensible avec cependant des pages parfois magnifiques) et les X-Men (où l’encrage est mauvais). Mieux vaut se replonger dans son âge d’or…

 

Contre-Culture et comics

 

Hal Jordan/Green Lantern est un super héros plus habitué à affronter des criminels de l’espace qu’à arpenter les rues en pourchassant les gangs. Dans la première histoire ici, il est confronté à des travailleurs pauvres logés dans des taudis. Le propriétaire veut les chasser. Jordan commence par prendre son parti et manque de se faire lyncher. Son camarade Green Arrow, (gauchiste local, mélange de Mélenchon et d’Errol Flynn) lui fait alors prendre conscience des rapports de classe tandis qu’un vieil homme de couleur lui demande s’il a jamais fait quelque chose pour un homme noir : Jordan découvre le racisme. À la fin de l’épisode, les héros se sont arrangés pour mettre en prison le propriéta

ire véreux mais Jordan se fait rabrouer par ses patrons, les gardiens d’Oa. Green Arrow le défend et les gardiens décident d’envoyer un des leurs pour découvrir la complexité humaine. Les trois personnages partent alors explorer l’Amérique.

 

Tout y passe : racisme, ultra violence, surpopulation… Adams est autant à l’aise dans des pages classiques de combats de super héros que dans la description de la vie quotidienne. Il se surpasse lors d’épisodes ultra connus, ceux où les deux hommes en vert font face à la drogue et aux drogués. On y voit une overdose et Green Arrow découvre que son pupille, Speedy, est accroc. Ces épisodes marquèrent des générations de lecteurs et firent beaucoup pour légitimer les comics aux Etats-Unis. Dans une démarche typique des années 60-70, Adams et son scénariste Denny O’Neil remirent en cause la société américaine, son conformisme et son culte de la réussite matérielle. S’ils ne changèrent pas le monde, au moins influencèrent-ils d’autres artistes. Sans Neal Adams, jamais Chris Claremont et John Byrne n’auraient pu imposer leur version des X-men, comics classique ancré dans son époque et dénonçant par exemple le racisme. Et on peut juger aussi que John Byrne n’est qu’un enfant caché de Neal Adams (et de Jack Kirby)…

 

Indispensable, surtout au vu de la qualité des couleurs proposée ici par l'éditeur (chose rare dans les traductions françaises de comics...).

 

Sylvain Bonnet

 

Denny O’Neil & Neal Adams & Dan Adkins, Green Lantern & Green Arrow, urban comics, juin 2014, 368 pages, 35 €

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