La révolution anglaise, le difficile accouchement d'un modèle

Un spécialiste

 

Spécialiste incontesté de l’histoire des îles britanniques et de la Réforme protestante (même si on pourrait citer également Michel Duchein, auteur d’une excellente biographie de Jacques Iier), Bernard Cottret, livre ici un ouvrage synthétique sur la Révolution anglaise, sujet qui fut autrefois l’objet de bien des débats historiographiques : François Guizot y a consacré de nombreuses pages, avec comme volonté d’utiliser le prisme de la Révolution anglaise pour comprendre la française. Dans son ouvrage, Cottret ne cède pas à cette tentation (même si la comparaison apparaît ici et là, difficile d’échapper à l’influence de Guizot) car domine chez lui la volonté de comprendre la spécificité britannique de ce moment révolutionnaire.

 

Une révolution religieuse

 

Bernard Cottret restitue à merveille la dimension religieuse de cette Révolution, en redonnant une place au débat théologique entre « épiscopaliens » (anglicans de plus en plus influencés par les thèses d’Arminius) et « puritains », ce terme cachant une multitude de sectes protestantes désireuses d’abolir les évêques et rencontrant l’opposition de la dynastie de Stuarts : le roi Jacques Ier  décrétant qu’il ne saurait y avoir de roi sans évêques. Les puritains feront payer cher cette intransigeance à son fils Charles Ier..

 

Le Roi contre son parlement

 

Devenu Roi en 1625, Charles Ier tente dans les années 1630 de gouverner sans le parlement, dominé par des hommes désireux de diminuer ses prérogatives tant politiques que religieuses et qui le suspectent de vouloir restaurer le catholicisme (Charles a épousé Henriette-Marie, fille d’Henri IV). Charles Ier veut soumettre ses sujets écossais (rappelons qu’à l’époque, le roi d’Angleterre est aussi roi d’Écosse mais qu’il s’agit d’une union « personnelle » et non d’une fusion étatique) et leur imposer un système épiscopal mais il a besoin d’argent : il décide donc de rappeler son parlement. Celui-ci ne veut cependant pas lui accorder les subsides dont il a besoin contre les écossais, fait condamner un de ses plus proches conseillers et veut démanteler l’église anglicane. Le parlement veut tout simplement limiter la prérogative royale. C’est la guerre civile, opposant les « cavaliers » royalistes et les « têtes rondes » parlementaires. Charles finit par perdre et rejoint l’Ecosse qui le fait prisonnier et finit par le livrer au parlement anglais : après moult rebondissements, le Stuart finit par être condamné à mort par un jury où l’armée du parlement a pris le pas avec Oliver Cromwell : il est décapité en janvier 1649.

 

La République est une dictature

 

Malgré la présence du courant des « nivelleurs », la Révolution anglaise ne prend pas un caractère de « lutte des classes » et ne remet pas en cause la propriété privée. Par contre, elle se pose aussi le problème de la représentativité dans un pays resté majoritairement royaliste : le chef de l’armée Oliver  Cromwell finit par dissoudre le parlement et en fait élire un autre, qu’il dissout aussi ! devenu Lord protector, Cromwell est un dictateur de facto, presque un Roi et négocie d’égal à égal avec les puissances européennes. Il choisit l’alliance française contre l’Espagne et contribue à la bataille des dunes (1658). Il renonce à un projet plutôt fumeux d’alliance protestante avec les provinces -unies (à qui il fait la guerre) et la Suède mais réussit au forceps la fusion entre les royaumes d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande (au prix de nombreux massacres). A sa mort, la République hérite de son fils Richard durant quelques mois. Richard Cromwell a tôt fait de montrer son incompétence et démissionne. Devançant les désirs de la population,  le général Monck, ancien compagnon d’Oliver Cromwell, finit par rappeler le fils de Charles Ier , Charles II.

 

Pour conclure…

 

La Révolution anglaise fut sanglante mais ne prétendit pas à l’universalité comme la Révolution française et ce malgré les velléités de Cromwell d’unir l’Angleterre aux Provinces-unies. De plus, la Révolution réussit paradoxalement à réaliser l’ambition des premiers Stuarts : l’unification des îles britanniques (qui ne signifie pas assimilation). Enfin, Oliver Cromwell réussit à replacer son pays au centre de l’échiquier européen. On reste impressionné par la réussite de cet homme, aux capacités politiques et militaires plutôt impressionnantes.

 

Au final, ce moment révolutionnaire débouche sur la Restauration des Stuarts. Quant aux libertés, c’est l’autre révolution de 1688, qui les donna à  l’Angleterre (malgré un changement dynastique) puis à la Grande-Bretagne. C’est toute cette histoire que l’ouvrage de Bernard Cottret vous invite à revisiter et c’est vivement recommandé !

 

Sylvain Bonnet

 

Bernard Cottret, La Révolution anglaise, Perrin « pour l’Histoire », février 2015, 606 pages, 26 €

 

 

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