Christian Bobin et la lumière du jour

Christian Bobin poursuit sa route poétique avec sa vocation non seulement ici à apaiser ce que le présent insupporte mais de rappeler sans nostalgie ce qui fut et ce pour innerver le futur dans un temps présent plutôt que du passé  : Mon père mort me montre deux brins de muguet rouge. Il me dit qu’un jeune homme là-bas, dans une montagne du Jura, a inventé ce muguet et envisage de le répandre sur le monde. Il m’invite à aller le voir.
Il ne s'agit donc pas de revenir du passé, d’enlever une brique au mur du temps mais de montrer l’ouverture qu'il génère en un sourire léger.  Souvenons-nous d'ailleurs ce que Bobin écrivait il y a quelques années : Le sourire est la seule preuve de notre passage sur terre.
Dans ce texte l'auteur est beaucoup moins décorateur qu'il ne le fut jadis. Ici une narration se développe : L’homme tient une auberge au bord d’un lac. J’y mange une omelette, bois un vin de paille. Quand je lui parle des fleurs, mon hôte me conduit au-dessus d’un pré en pente : des dizaines de muguets rouges fraîchement poussés s’apprêtent à incendier la plaine. Et soudain – au nom de liens familiaux jusque-là cachés et disparates – une histoire se développe tout en demi-teintes - pour que le rouge des muguets ait encore plus d'éclats.
Le trait n'est jamais forcé mais néanmoins rien ne bascule dans le mièvre où parfois l'auteur était sur le point de tomber. C'est ici une manière de quitter les ténèbres de notre temps pour qu'en une telle incartade temporelle il retrouve des couleurs.

Jean-Paul Gavard-Perret

Christian Bobin, Le muguet rouge, Gallimard, octobre 2022, 88 p.-, 12,50 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.