"Asterix et Obelix au service de sa Majesté", la saga continue

Il y aurait un gros livre à écrire sur les aventures cinématographiques d’Astérix (si un éditeur est intéressé, qu’il me contacte !). Des aventures qui débutèrent en 1967 sous forme de dessin animé et qui perdurent quarante-cinq ans plus tard. L’idée de faire des Gaulois les héros d’un film live germa il y a bien longtemps. Parmi les projets évoqués il y en eut un avec Claude Lelouch aux commandes et un autre avec Louis de Funès et Lino Ventura dans la peau des deux plus célèbres irréductibles villageois.

"Il y a eu deux projets d'Astérix au cinéma qui, tous les deux, n'ont pas été très loin, résume Albert Uderzo. Le premier est venu de Claude Lelouch, tout jeune réalisateur mais déjà connu. Il a eu l'idée de faire un film interprété par des gens pris dans la rue. Nous avons été un peu ahuris avec René Goscinny quand il nous a dit vouloir 'essayer de rencontrer des gens qui ressemblent à nos personnages'. Rencontrer des monstruosités pareilles, ce n'est pas donner à tout le monde ! Il n'y a pas eu de suite… Le second projet est venu de De Funès qui a eu envie de jouer le rôle d'Astérix. Nous l'avons rencontré mais il n'y a pas eu de suite non plus. Il voulait jouer le rôle sans porter de moustaches. Mais un Astérix sans moustaches, ça ne veut plus rien dire."

Il fallut attendre 1999 et la ténacité du producteur Claude Zidi pour voir Astérix et Obélix en chair et en os sur grand écran. Avec Christian Clavier et Gérard Depardieu.

Treize ans après, voici le douzième film de cette saga. Laurent Tirard en maître d’œuvre. L’idée est née dans l’esprit d’Anne Goscinny, fille de René et donc sœur d’Astérix (puisque Goscinny est le père des Gaulois, faut suivre !) sur le tournage du Petit Nicolas, autre fils de Goscinny. Sacrée famille.

"A regarder la façon dont le réalisateur Laurent Tirard travaillait et l’habileté avec laquelle il restituait l’humour de mon père, j’ai eu envie de lui confier le prochain film d’Astérix, explique Anne. J’en ai parlé à Albert Uderzo et aux gens d’Hachette, qui gèrent Astérix. Quand Le Petit Nicolas a été terminé, nous avons assisté à une projection et nous avons tous été d’accord : Laurent Tirard tirerait Astérix vers le haut."

Est-ce à dire que le précédent opus, Astérix aux Jeux Olympiques, déçut ?

"Je trouvais qu’il manquait de relief intellectuel et émotionnel, poursuit Anne Goscinny. Il fallait rendre à Astérix ce qui fait Astérix. On a beaucoup critiqué Astérix aux Jeux Olympiques mais si on prend soin de bien le regarder il possède des qualités. Son principal défaut est qu’Astérix et Obélix ne sont plus au centre de l’histoire. Quand on se souvient du film, on se souvient d’abord du duo Delon – Poelvoorde. J’ai une autre vision d’Astérix."

Laurent Tirard accepté, contrats signés, restait à écrire le scénario. Le choix se porta sur deux albums : Astérix chez les Bretons et Astérix et les Normands. Choix contestable. En effet ces deux histoires ont déjà été portées à l’écran sous formes animées dans deux films séparés, Astérix chez les Bretons et Astérix et les Vikings. Ce sont, certes, d’excellentes histoires mais ma préférée, Astérix en Corse reste encore vierge de toute adaptation. Idem pour Le tour de Gaule et Astérix en Hispanie, entre autres. 

Ce dernier faillit devenir un film grâce au talent de Gérard Jugnot. On y aurait retrouvé toute l’équipe des Bronzés. Hélas, son projet fut refusé.

"Son scénario était plus dans l’esprit des Bronzés que dans celui d’Astérix, rappelle Anne Goscinny. Il y avait des scènes un peu scabreuses qui ne pouvaient correspondre à Astérix."

Pas rancunier, Jugnot joue le chef des pirates dans cet Astérix et Obélix au service de sa majesté.

Petit rappel : tout scénario de film doit être validé par Albert Uderzo et Anne Goscinny.

"Le scénario est le critère de base, souligne Anne. Est-ce que ça fonctionne ? Ici, Astérix reste au centre de l’histoire. Il y a eu un véritable travail en profondeur de la part des auteurs. Et ils ont eu l’audace d’aborder le sujet des relations sexuelles. Dans les premiers albums d’Astérix ce n’était pas possible car la bande dessinée était censée ne s’adresser qu’aux enfants. Il est symptomatique de noter que la femme du village, l’épouse d’Agecanonix, n’a pas de nom ! Une fois le scénario accepté, intervient le casting."

L’identité de l’interprète d’Obélix ne fit aucun doute : Gérard Depardieu. Qui d’autre que lui a la carrure et la truculence pour jouer celui qui est tombé dans la marmite quand il était petit ? Depardieu n’est-il pas le plus Gaulois des acteurs français ?

Il est d’autant plus légitime qu’il a connu René Goscinny.

"Grâce à Pierre Tchernia qui m’a fait tourner dans Le Viager et Les Gaspards sur des scénarios de Goscinny, raconte Gérard. Je me souviens que nous tournions Les Gaspards aux Halles et que chaque soir, René, Pierre, Jean Carmet et moi nous nous retrouvions dans un restaurant pour boire, manger mais surtout pour rire. Goscinny était une sorte de visionnaire. Il appartenait à toutes les époques ce qui explique pourquoi son humour fonctionne encore aujourd’hui."

Et Depardieu de retrouver le costume rayé du porteur de menhir, sous l’œil d’un quatrième réalisateur.

"C’était un sacré challenge pour Laurent Tirard car il arrive après trois films dont celui de Chabat qui a fait plus de quatorze millions d’entrées en France, rappelle Depardieu. Moi ce qui m’a plu c’est qu’il y a plus de scènes entre Astérix et Obélix. Et ce qui m’a surpris c’est la qualité de la distribution féminine. Catherine Deneuve, Valérie Lemercier, Charlotte Le Bon, que de belles femmes ! Je pense qu’avec cet Astérix on retrouve le souffle de l’aventure mais aussi la french touch qui manque au cinéma français."

Depardieu est un ardent défenseur d’Astérix :

"Batman fonctionne partout dans le monde, sauf en France ou le dernier n’a été qu’un demi-succès, constate-t-il. Astérix fonctionne partout dans le monde, sauf aux Etats-Unis. C’est très étrange ! Partout dans le monde, on ne me parle que d’Obélix. Quand je suis en Russie, au Japon, en Allemagne ou même chez les Papous de Nouvelle Guinée il n’est question que d’Obélix. J’ai fait plus d’une centaine de films mais le seul personnage qui revient toujours c’est Obélix !"

Pour incarner Astérix, Laurent Tirard fit appel à son vieux complice Edouard Baer.

"Quand il m’a appelé pour me demander de jouer Astérix, ça ne m’a pas surpris parce que je lui fais confiance, affirme Baer. S’il me voit en Astérix c’est qu’il a ses raisons. J’aurais réagi de la même manière s’il m’avait demandé de jouer Idéfix ou la reine d’Angleterre !"

Voici donc le troisième Astérix vivant après Christian Clavier et Clovis Cornillac.

"Laurent m’a demandé d’amener Astérix vers moi, explique Baer. Il n’y a pas de codes définis pour jouer Astérix, ce n’est pas James Bond. On peut y apporter sa touche personnelle. Je n’ai pas vraiment fait d’improvisation mais des suggestions. C’est moi qui aie glissé dans l’oreille de Laurent l’idée, très moderne, de la colocation au moment de son explication avec Obélix. Car le film aborde la question de leur sexualité. Une question classique, qui concerne Astérix et Obélix comme elle concerne Blake et Mortimer, Spirou et Fantasio, Milou et Haddock. Astérix se retrouve à draguer dans un pays qui n’est pas le sien, sans connaître les codes de séduction. Il n’a plus son village, il n’a plus ses copains et c’était très amusant à jouer. De plus, ici, Astérix se retrouve la plupart du temps sans potion magique et son combat n’est pas gagné. Il doit faire preuve de débrouillardise et non plus compter sur sa force seule."

Tandis que les deux amis gaulois se retrouvent au centre de cette nouvelle aventure, Baer et Depardieu se retrouvent pour la première fois face à face. 

"C’est un personnage stupéfiant, admet Edouard. J’ai aujourd’hui la même fascination pour Depardieu qu’avant de le connaitre. Il est curieux de tout, toujours enthousiaste. Ça me passionnerait de le mettre en scène. Je voudrais faire un faux documentaire qui prouverait que Gérard est responsable de toutes les catastrophes du monde moderne. A force d’avoir de la sympathie pour tout le monde, de passer d’un univers à un autre, il a changé la face du monde !"

Depardieu est-il un monument du cinéma, comme Astérix est un monument de la bande dessinée ?

"Non, je ne suis pas un monument, rétorque-t-il, je n’appartiens pas à cette dimension-là. Je fais trop de choses, je vais partout dans le monde, je bouge trop pour être un monument. Pour moi des monuments ce sont des gens comme Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Michel Bouquet…"

Astérix et Obélix au service de sa majesté est désormais terminé. Dans ses grandes lignes, l’histoire est fidèle à Astérix chez les Bretons ; il s’agit de bouter les Romains hors de (Grande) Bretagne. Avec, bien sûr, de nombreux ajouts. Outre les Normands qui viennent faire une sorte de visite surprise, la reine, la fiancée de Jolitorax, miss MacIntosh, Têtedepiaf, sont de nouveaux personnages qui ajoutent à la fantaisie ambiante. Le film repose bien sur les effets spéciaux que son prédécesseur et mise plus sur les ressorts classiques de la comédie. Seul bémol : Idéfix n’est pas du voyage !

La gourde de potion magique est désormais dans le camp des spectateurs. Si le record établi par Alain Chabat semble impossible à battre, Astérix et Obélix au service de sa majesté, se doit de faire mieux que le précédent opus, donc de totaliser au moins 7 millions d’entrées en France. Pas facile : cela signifie battre TOUS les films présentés en 2012, y compris la bande de l’Age de glace et le Marsupilami.

Mais, quoi qu’il advienne, Astérix a encore de beaux jours devant lui au cinéma puisque le prochain film est déjà en préparation. Il s’agit d’un dessin animé basé sur un scénario d’Alexandre Astier. 

"Il devrait sortir en 2014 et sera en 3D, annonce Anne Goscinny. Alexandre Astier a tiré un scénario somptueux du Domaine des dieux. Avec ce scénario plus le travail de l’équipe technique de Levallois, on est au bord de la perfection."

Conclusion, posthume de René Goscinny : "Aimer ce qui vous fait rire est le seul moyen de faire rire."

Philippe Durant

Asterix et Obelix au service de sa Majesté
Un film de Laurent Tirard
avec Gérard Depardieu, Edouard Baer, Catherine Deneuve, Guillaume Gallienne, Valérie Lemercier, Dany Boon
1h49
sortie le 17 octobre

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