Les comédies à la française de Jérémie Imbert et Christophe Geudin : le rire franc

Un livre qui cite l’un de mes ouvrages dans sa bibliographie ne peut être foncièrement mauvais. Principe de base que je conseille à tous les futurs auteurs d’appliquer à la lettre. Ceci dit Comédies à la française est un catalogue solidement documenté écrit par deux journalistes, Jérémie Imbert et Christophe Geudin, qui connaissent leur sujet.

Oui, catalogue car il s’agit de passer en revue, les uns après les autres, 250 films du cinéma comique français. Soyons précis : 140 films bénéficient d’un développement sur une ou plusieurs pages, les autres devant se contenter de notules de quelques lignes. La formule reprend celle mise au point par Pierre Tchernia et Jean-Claude Romer dans les années 80 (80 grand succès du cinéma comique français, Casterman). Mais développée, avec plus de texte et plus de films. Le tout classé par décennies.
Ces films sont (dixit la couverture) les « incontournables ». Pourquoi pas ? Incontournables pour les deux auteurs qui ont dressé leur propre sélection. Fatalement on peut regretter les manques (Le cave se rebiffe, Miquette et sa mère...) mais j’apprécie que certains films (Un nuage entre les dents, Maine Océan…) soient extirpés de l’oubli. 

Si la sélection s’était basée sur le box-office (les quarante plus gros succès par décennie), la présentation en eut été fort différente (avec l’arrivée en force des Aventures des Pieds Nickelés, Uniformes et grandes manœuvres…). Mais pas moins instructive. A ce sujet, les auteurs ont une notion du « succès » un peu flousaille. A entrées quasi égales, certains titres sont qualifiés de gros succès ou de succès relatif.

Mais ne faisons pas la fine bouche : ils sont venus, ils sont tous là, les Belmondo, les De Funès, les Oury et les (Yves) Robert. Jusqu’à Camille redouble qui a eu droit, in extremis, à son ticket d’entrée. Bien entendu les récents triomphes de Bienvenue chez les Ch’tis (mais pas Rien à déclarer ?), des Intouchables et de The Artist ont droit à une place de choix. Ce n’est que justice.
Cette ballade dans l’humour français si elle ne recèle pas vraiment de surprises n’en demeure pas moins agréable. Des anecdotes par-ci, des commentaires par-là, des répliques chocs, des inédits (Gérard Pirès racontant le tournage de Fantasia chez les ploucs…) et beaucoup de photos. On se retrouve presque en famille. Les plus exigeants regretteront l’absence de certains cousins comme Francis Perrin mais seront ravis de retrouver des figures oubliées (Les Charlots).

On ne s’étonne même pas que dans ce livre, les années 70 se goinfrent la plus grosse part du gâteau : une soixantaine de pages (contre une vingtaine pour les années 90 !). Ce fut la grande époque du cinéma d’humour français et, pour l’avoir étudiée de près, j’atteste qu’elle apporta sang neuf et vent frais à un genre qui commençait à battre de l’aile. 

Imbert et Geudin, qui aiment les notes, ont la bonne idée de parsemer leur texte de commentaires sur la musique de certaines comédies (que seraient Les aventures de Rabbi Jacob sans les trouvailles de Vladimir Cosma ?) Le fait est rare et mérite d’être signalé.

Hormis quelles approximations de faible importance (lors des préparatifs de L’Aile ou la cuisse, Coluche fut engagé pour remplacer Pierre Richard le jour même du désistement de ce dernier), je n’ai relevé aucune monstruosité, preuve que les auteurs ont bien potassé leur thème sans jamais se laisser déborder. 

Personnellement j’émets le vœu que quelqu’un s’attaque un jour à la construction d’une véritable encyclopédie des films comiques français, y relevant TOUS les titres depuis l’arrivée du parlant (à l’image de ce qui s’est fait pour le western italien). Cela prouverait que le cinéma français est capable de tout, vraiment tout, du pire au meilleur (selon les goûts !). 

Mais je rends grâce à Imbert et Geudin d’avoir dépoussiéré l’effroyable Drôles de zèbres réalisé par Guy Lux (oui celui de la télé) avec une distribution exemplaire comprenant Sim, Alice Sapritch et… Coluche ! N’importe quel film de Max Pécas, Michel Vocoret, Philippe Clair ou Emile Cousinet passe pour un chef d’œuvre hilarant face à cette nullité. 

A noter que ce livre est la nouvelle édition, augmentée, de celui paru il y a un an. 

Philippe Durant 

Christophe Geudin et Jérémie Imbert, Les Comédies à la française, Editions Fetjane, octobre 2012, 240 pages, 24,90€

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