La tendresse du crawl

Dans ce court roman, emprunt de tendresse et de délicatesse, une femme écrit l’amour à cinquante ans. Celui que l’on n’attendait plus et que l’on sait éphémère.
L’argument tient en quelques lignes : Colombe, la femme  qui détient le record de « la fille la plus larguée du monde », « l’abonnée aux histoires pourries », revoit Gabriel qu’elle a connu trente cinq ans plus tôt. Elle fond pour lui le jour où lors d’un dîner, il lui offre une chambre à air pour son vélo et un bouquet de tubéreuses. Jusque là, elle était incapable d’apprécier des cadeaux  qui ne soient pas de ses parents, morts depuis trop longtemps. 
Le ton est donné, entre gravité et légèreté. 

Durant quelques mois, la parisienne sophistiquée dont l’appartement « est prêt à être photographié au cas où le  représentant de la police du bon gout d’un magazine de déco débarquerait à l’improviste » va retrouver l’amour avec un homme qui est son contraire. Ils écoutent Jailhouse rock d’Elvis Presley, jouent à la famille, au tennis, mangent des éclairs au chocolat, vont au marché du Port Royal, mais surtout nagent ensemble.
Grâce au crawl, elle plonge dans un monde inexploré, parallèle, celui des sensations ». Elle redécouvre qu’elle a un corps, elle l’avait oublié à l’adolescence.
Elle lui offre des cadeaux qui lui plaisent à elle : Une chemise blanche de chez APC pour qu’il ressemble aux hommes de notre quartier, mal rasés avec tant d’attention.

L’histoire ne dure pas : ils n’ont rien en commun : elle aime les soirées, les verres, les dîners, il ne supporte pas les gens creux qui ne parlent que d’eux.
C’était le paradis, il est perdu,dit-elle. L’homme immense de l’Ode à la joie est parti.

Ce huitième roman de Colombe Schneck qui alterne livres sombres (L’increvable monsieur Schneck, La réparation) ou plus lumineux possède la grâce. Des scènes les plus communes s’élève une petite musique prenante, entêtante, sur le temps qui passe, l’amour qui ne dure pas.
Loin de l’efficacité  mercantile des page-turner à gros tirage, la tendresse du crawl pourrait être un traité de philosophie,  déguisé en un bijou de poésie. Il n’ y a dans ce roman, pas un mot, pas une phrase de trop. C’est comme si en une centaine de pages, l’auteur faisait le tour des questions fondamentales : l’amour, la mort, la famille…

Le lecteur n’en attendait pas moins de celle qui, il y a quelques mois remit à sa place avec panache, Yann Moix, l’homme qui évoquait son dégoût pour les femmes de cinquante ans.

Brigit Bontour

Colombe Schneck, La tendresse du crawl, Grasset, mars 2019, 109p. ; 13 €

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