L’auteur américain d'heroic fantasy Robert E. Howard n'a pas seulement imaginé Conan.

LE MITOYEN KANE

Les films (le plus souvent anglo-saxons) construits sur le thème de la rédemption se composent généralement de trois parties : 1. L’Ange. 2. L’Ange déchu. 3. La remontée de l’Ange. Il peut arriver, pour des raisons d’efficacité, qu’on commence directement par la seconde partie, la première étant distillée à l’intérieur du récit sous la forme d’un ou plusieurs flashbacks, et c’est cet agencement que l’on trouve dans Solomon Kane. Mais Solomon Kane présente l’originalité d’inclure une quatrième partie.
   
Car, comme l’indique son nom, il y a tout à la fois dans le héros de cette histoire la sagesse de Salomon et la méchanceté de Caïn. Chassé du royaume paternel à la suite d’un crime qu’il n’a commis — et involontairement… — que parce qu’il s’efforçait de rendre la justice, Solomon, plein de ressentiment, est devenu une espèce d’Attila qui pille et tue tout sur son passage. Mais la destruction finissant toujours par devenir autodestruction et tous ses hommes de main ayant péri, il se retrouve un jour tout seul. C’est son chemin de Damas : il sera désormais un homme de paix s’il veut — et il le veut — garder une chance d’échapper à la damnation. Mais peut-on être un homme de paix quand l’univers que l’on traverse est continuellement en guerre ? peut-on rester vêtu de probité candide et de lin blanc quand le mal est sur toutes les routes ? Par son refus même de se battre, Kane va, sinon causer, du moins ne pas empêcher la mort de plusieurs membres de la famille qui l’avait aidé à trouver le chemin de la rédemption. Il va donc lui falloir redevenir la brute qu’il était ; il va devoir paradoxalement se damner pour faire triompher le bien, ce qui ne veut pas dire que, ce faisant, il sauvera pour autant son âme.
   
Le scénario s’inspire d’une œuvre de Robert E. Howard, le créateur de Conan, et Kane s’apparente très naturellement à Conan par la réflexion qu’il inspire sur la minceur des limites entre la civilisation et la barbarie. On pourra également rapprocher ce récit, puisque le Moyen Age qui lui sert de décor n’est que de pacotille, de la grisaille morale de certains westerns italiens. Le jeu est étrange et un brin vicieux, puisque la violence s’y exerce au nom de la vertu (une astuce de scénario permet même au fils de tuer son père au nom du père et du fils et du Saint Esprit !). Mais ce flou sur la damnation-rédemption aurait pu conférer à Solomon Kane un caractère bernanosien — Kane n’est pas si loin du prêtre damné de Sous le soleil de Satan — si seulement il avait été exploité jusqu’au bout.
   
Ce n’est malheureusement pas tout à fait le cas. Solomon Kane, le film, un peu comme son héros, est tiraillé entre deux postulations, qui font de lui un produit bâtard, sélectionné dans de nombreux festivals, mais peinant, semble-t-il, à trouver un distributeur dans certains pays (dont les États-Unis). Film d’action, pourquoi pas, puisque le cinéma passe d’abord par les images ? Mais, outre une certaine maladresse dans la chorégraphie des combats (certains cascadeurs semblent littéralement attendre que Kane les embroche avec ses épées), on regrettera la débauche de monstres de tout poil qui, au nom de la sword and sorcery sans doute, surgissent de chaque puits. Série B plus assurément, mais plus assurément encore série A moins. Conçues par le Français Patrick Tatopoulos (promu réalisateur pour Underworld III, mais se contentant ici de la casquette de SFX man), ces créatures censées représenter le Mal sont indubitablement très laides, mais leur laideur les tire vers le grotesque. Il faut, quand on entend représenter le Mal absolu, ou bien se contenter de le suggérer, ou bien lui donner une certaine élégance, sinon une beauté sublime.

Mais, évidemment, n’est pas Giger qui veut.

FAL

SOLOMON KANE
Film de Mickael J Basset
d'après l'oeuvre de Robert Erwin Howard
avec James Purefoy, Max von Sydow, Pete Postlethwaite
sortie en salles décembre 2009
sortie en DVD juin 2010

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