Nathalie Kremer : de la nature au pictural

Fidèle à son statut de maître de conférence à Paris 3, Nathalie Kremer spécialiste de la poétique et de l’esthétique du XVIIIe siècle pousse ici son investigation jusqu’au XXe siècle. Elle met Diderot (« lecteur » et scrutateur pertinent  de Chardin) à l’épreuve des modernes : Matisse et surtout Kandinsky.  Non seulement elle propose une lecture de la peinture mais porte son analyse vers l’essence du pictural en reprenant Kandinsky selon une approche du XVIIIe siècle et de la peinture de « re-présentation ». En parallèle la critique moderne prouve comment Diderot anticipait la peinture de son temps y découvrant ce que les créateurs eux-mêmes ne soupçonnaient pas.

 

De cette confrontation « anachronique » se dégage par delà l’imaginaire et les canons d’un temps donné ce que les signes picturaux fomentent. Là où Chardin ne « finit plus » (Diderot) la peinture contemporaine commence dans de « multitudes de lignes bizarre » qui arrachent à la nature son cotonneux. Preuve que Chardin fut tout sauf un petit maître comme celui de Greenaway dans son « Meurtre dans un jardin anglais ». Chardin rejoint Kandinsky dans son souci du tableau pour lui-même au delà de ce qu’il est sensé représenter.  S’y découvre ce que Kandinsky  nomma « la résonnance interne de la forme ». Nathalie Kremer voit là « la substance de l’art ». Et elle ne se trompe pas. Son essai reste là plus belle démonstration des pouvoirs inhérents au pictural. Il n’est jamais en dehors de son cadre mais bien loin du jeu des influences diégétiques. Son seul jeu est celui des formes et des couleurs.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Nathalie Kremer, Diderot devant Kandinsky (Pour une lecture anachronique de la critique d’art), coll. Trace(s), Passage d’encres, Guern, 38 pages, 15 €, 2014.

 

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