Aurélie Denis : absorptions

 Avec Aurélie Denis l'encre est une chair. Sur le support elle induit parfois d'étranges corps dans l'abandon programmé, et l'absence (apparente) de toute maîtrise. Mais il ne faut pas se tromper : tout part de très loin.


Le résultat est - sinon prévu - du moins envisagé afin d'entrer dans la nuit de l'être et les affres du désir.

Implicitement l'artiste fait sienne la vieille chanson cajun : "See the world never seen, never known".


Les jambes ou le pubis deviennent d'étranges sémaphores. Ils consument le vernis jusqu’à la transparence.

L’ombre avale l’ombre, la creuse afin ce qu'à travers ce qui s’étend l’âme liquide se déploie dans une forme d'abstraction, de nudité et de biffures sur lequel le regard s’arrête.

L’angoisse émerge mais trouve des repères.

L’encre est donc par excellence la taiseuse, l’intruse qui sait que les mots ne résolvent rien.


Elle montre leur envers et en scanne la pénombre. 

Et si la vie est un voyage, Aurélie Denis permet de repérer les paysages les simples mais les plus retirés.

Ses œuvres sont des bouées de corps mort secouées par ses vagues de noir.

Le monde devient un lieu du songe où tous les corps ayant perdu leur couleur sont gris comme des chattes la nuit.

Par l'encre ils s'épanchent et s'apaisent.

Des hiatus sont ouverts par effet de brouillage.

Éclats noirs sur le blanc,

Éclairs obscurs

Ellipses et laps

Brisent le mur de l’enfouissement,

L’être se perd là où l'encre se précipite

Des formes peuplent les "tissus" blanc en un abîme.

Des formes s’enfoncent, percent, griffent, se dédoublent.

Le corps se voit de telle sorte que ce ne soit pas en une pensée qu’on se porte vers lui.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Aurélie Denis, Encres, Editions de la salle de bains, Rouen, 10 €

 

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