Mirage de Douglas Kennedy : Le livre de l'été

Connaît-on vraiment ceux que nous aimons, sommes-nous vraiment maîtres de nos vies ? Une fois de plus, Douglas Kennedy balaie toutes les certitudes, tous les conformismes  en un roman étourdissant, placé entre deux cultures, deux générations, deux conceptions diamétralement opposées de l’existence.


Au Maroc, en plein été, un couple d’Américains s’aime et se déchire pour le meilleur d’abord mais surtout pour le pire

 Robyn une rigoureuse comptable à l’horloge biologique qui s’affole est mariée au brillant et inconséquent Paul, un artiste qui l’entraîne à Essaouira dans la chaleur infernale de juillet.

Là dans une débauche de lumières et de couleurs, le peintre se remet à son art avec un talent décuplé tandis que Robyn reprend des cours de français dans une sorte de seconde lune de miel enchantée.


Tout irait pour le mieux si elle ne découvrait un beau jour de cet été incandescent où la température flirte avec les 45 degrés un mail qui met fin à ses rêves de maternité et de passion avec son mari. Le choc est brutal, d’autant que Paul disparaît et qu’elle se met à sa poursuite jusqu’au fond du Sahara. Les personnages suivant leur logique s’éloignent l’un de l’autre au fur et à mesure d’une   quête impossible. Une fuite en avant pour Paul qui reste un éternel adolescent,  un désir de comprendre pour Robyn, adepte des causes désespérées qui n’a pu des années auparavant sauver son père de la déréliction.

Au fil d’un périple affolant qui lui fera découvrir le passé de son mari, elle appréhende un Maroc aux deux visages : traditions berbères immémoriales d’un côté, modernité urbaine de l’autre. Peu à peu il va lui apparaître que celui qu’elle a épousé est un parfait inconnu  qui lui a absolument tout caché de sa vie antérieure. Par légèreté ou par calcul, impossible de trancher tant il est double.


Milliardaire mafieux, flics acharnés,  jeune femme libre, personnages terrifiants jalonnent la course de l’héroïne qui doit faire face  jour après jour  avec une réalité de plus en plus épouvantable.


Douglas Kennedy livre avec  Mirage un page turner  éblouissant sur des thèmes qui lui sont chers : l’amour est-il une illusion ?  Peut-on changer de vie ? Le mariage est-il voué à l’échec ?

Comme dans L’homme qui voulait vivre sa vie,  il y a presque vingt ans, où  le héros qui avait tout détruit, tout recommencé, une fois posé à nouveau  avait encore  le désir de prendre l’autoroute droit devant vers l’inconnu, Paul se demande en permanence : « Et après » ? Un après qui le mène droit à l’abîme.


Moins trash que Piège nuptial, un violent manifeste anti-mariage aux confins d’une Australie aux mœurs préhistoriques, Mirage se veut aussi un sérieux  questionnement sur la vie en couple, la compatibilité impossible entre deux êtres qui pourtant sont amoureux.

 

Avec ce livre mi-policier mi-sentimental, l’auteur retrouve le sens de la narration et du suspens qui l’avaient fait connaître. Un grand cru que ce Mirage, le livre de l’été à coup sûr.


Brigit Bontour

 

Douglas Kennedy, Mirage, traduit de l’américain par Bernard Cohen, Belfond, 440 pages, 22,50. €

En mai 2015 est sorti chez Omnibus un coffret de quatre histoires de Douglas Kennedy rassemblées sous le titre, Des héros ordinaires, 28 € 


> Lire l'interview de Douglas Kennedy par Ariane Bois


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