Jean-Max Colard : matières de rêve

                   

 

Jean-Max Colard, "L'exposition de mes rêves", Editions du Mamco, Genève, 2013, 112 pages, 20 E..

Jamais l'anathème ne remplacera la force de l'analyse surtout lorsque cette dernière est animée par le courage. Jean-Marc Colard le prouve à travers ses articles sur l'art contemporain. Loin de la logomachie mâchouillée par bien des spécialistes le critique argumente vite et bien. Détracteurs des clichés sur la mère plastique contemporaine il ne jette pas tous ses bébés avec l'eau de son bain. Il exhume des traces dont on parle mal ou peu. Celles de Cyprien Gaillard, Thomas Lélu par exemple. Il prouve qu'un art européen existe bel et bien. Celui-ci  crée des empreintes au nom même de l'invisibilité et de l'irreprésentable bien plus que dans la cohorte de peintres chinois dont il est désormais obligatoire de faire les gorges chaudes. Au attend désormais qu’après le fameux Tel Quel "De La Chine" (de triste mémoire maoïste)  L'Infini qui lui a succédé propose son "De la Chine 2"…

 

Colard ne se laisse pas séduire facilement par le premier gogo venu. Il sait aussi que toute image de l'horreur risque de suggérer une fascination morbide dont le voyeur peut maladivement se repaître. Contrairement à certains sémioticien qui - tel Gérard Wajcman – voue trop l'image à une sorte d'ostracisme fondamental le critique ne la considère pas  comme un voile, un mensonge, un piège. Colard a d’ailleurs l'intelligence de détourner le débat et son  arrière-fond religieux et de tout ceux qui voit en elle une machinerie "désimageante".  BHL lui-même en dépit de son expo Maeght reste persuadé de la limite de l'image. Colard l'a bien compris et prouve qu'on ne se débarrasse pas aussi facilement de l'image. Lorsqu'elle sort du décor elle se met à résister. Preuve que l'art a toujours quelque chose d'intéressant à dire et à montrer.

 

Certes en plus belle, fille du monde, l'image ne peut donner que ce qu'elle a. Mais le livre prouve que ce qu'elle don n'est pas rien : au contraire. Chez une Sophie Calle  le cliché est une épreuve. Chez Serrano elle ne recouvre rien mais dévoile Et s'il n'existe pas de moyen de se soustraire à l'ambiguïté qui régit tout protocole de représentation Colard illustre combien tout se joue en des stratégies en "vue" d'atteindre le cœur et la raison comme l'inconscient entre l'interdit et la transgression.  Face aux faux-semblants et aux révisionnismes le critique prouve que des images restent. Leur force est de nous mettre parfois dans l'haleine des mourants, parfois dans ceux des vivants. Elle  peut - plus peut être que  tout autre expression -  manifester un état aussi paradoxal que celui des spectres qui sans relâche mettent du dedans notre mémoire en mouvement.  L’image sert à penser sans refuser à plaire. Sa lumière enfle. Elle se gorge de braises à l’épreuve du vent.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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