Le labyrinthe, schème éternel

Alexandra Bénévant et Roger Bénévant - La voie retrouvée du labyrinthe.Comme tout grand peintre, Roger Bénévant est un sondeur des formes et de l’espace. Si la notice qui lui est consacrée sur Wikipedia évoque principalement son travail plastique (à travers notamment la série de toiles monumentales où il revisite les thèmes de la mythologie), elle insiste hélas moins sur son travail pointu de décryptage des symboles. La Voie retrouvée du labyrinthe, écrit à quatre mains avec sa fille Alexandra, fait partie de ces contributions majeures.


Il est regrettable que, à moins d’être des best-sellers grand public, de tels ouvrages soient rarement mis en évidence ailleurs que dans les rayons « ésotérisme et occultisme » des librairies, là où ils ont été relégués sur la seule base du nom de leur éditeur ou d’un titre quelque peu alambiqué. La recherche méticuleuse, doublée de la réflexion profonde, menée par le duo Bénévant à propos du labyrinthe, schème fondateur et commun à toutes les civilisations, n’a pourtant rien d’une élucubration pour fans du New Age et autres alchimistes postmodernes.


Certes, il faut s’accrocher dans l’approche des concepts et se hisser à un niveau supérieur de concentration pour cerner les enjeux du mystère qu’il nous est proposé d’aborder dans ces pages ; mais le parfait didactisme des auteurs, le dialogue qu’ils maintiennent constamment entre texte et image, la rigueur enfin de leur expression, tiendront lieu au lecteur de fil d’Ariane, impossible à rompre.


À ce propos, premier distinguo à l’usage du profane : un labyrinthe (qui comporte une seule entrée, un cheminement unique et un véritable centre) n’est pas un dédale (plusieurs entrées possibles, cheminement disruptif, dépourvu de centre). Au cours de notre avancée, nous découvrons ensuite les différences entre les labyrinthes à préhension centrale (cnossiens ou chartrains selon les modèles) et ceux à préhension périphérique. Pour faire (très) simple, disons que les premiers ménagent vers leur centre désiré un cheminement nécessitant plusieurs « opérations » et symbolisent la dynamique originelle animant les principes mâle et femelle, tandis que les seconds se parcourent en pèlerin ou en voyageur, comme un trajet initiatique ou religieux. Loin donc d’être un simple motif à vocation décorative ou ludique, le labyrinthe se voit ici réhabilité en tant qu’archétype à la richesse interprétative indispensable à « l’intelligence du monde ».


Au-delà de son intérêt documentaire, ce travail est à saluer pour la qualité de son écriture. En effet, à évoluer entre géométrie, abstraction, symbolique, tradition…, à sinuer sur les courbes et à remonter à la source même de la fascination, l’érudition parallèle et la glose savante laissent place à une poésie pure qui entre en résonance avec notre part de mystère individuel. Car qui d’entre nous n’est pas un labyrinthe ?


Frédéric Saenen


Alexandra et Roger Bénévant, La Voie retrouvée du labyrinthe, Dervy, juillet 2016, 202 pp., 21,90€.

 

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