Stéphane Sangral : le livre à venir, la pensée avenir

La Préface de Sangral frise sans doute la perfection car son écriture épouse parfaitement le propos. A ce titre ce livre est le contraire d’un leurre mais n'empêche en rien une sorte de jouissance de lecture.
L'auteur nous laisse pas sans "graal" même si celui qu'il offre défie la divinité de la philosophie comme de la littérature.

Sans souci démonstratif (ce qui reviendrait à créer une torsion douteuse pour ce qu'il engage) un tel préfacier crée une poussée suprême dans l’inconscient et "lalangue" chère à Lacan.

La dimension critique de la pensée et du langage passe ici par une donnée essentielle et anti-essentialiste : Penser et écrire l'impossibilité de véritablement penser et écrire l'impossibilité de véritablement penser et écrire.

Tout est là.
Pour ce voyage en un tel ouvrage comme d'ailleurs – du moins en théorie – en chaque livre. Néanmoins, et à cette aune, la majeure partie de la production littéraire devrait être reprise et corrigée. Voire jetée.
A l'inverse et ici l'écriture devient le geste qu'aucune pensée ne précède et qui permet en s'avançant de découvrir ce qui ne se médite pas encore et qui jusque là n'avait aucune formalisation.

Sangral exprime donc avec brillant et alacrité ce que toute fabrication textuelle engage : elle est pure perte et pure dépense. Mais c'est ce qui permet à tout discours de se poursuivre. Sans cela il reste lettre morte. La séance demeure donc perpétuellement ouverte.
Et la dernière page n'attend que la suivante. Non que le désespoir s’alimente d'une telle énergie mais parce que les mots en leur comment dire cache toujours un comment ne pas dire qu'il s'agit de reprendre et de dégommer.

Tout penseur ou écrivant ne sera toujours qu'un éternel errant capable - et c'est ce qui fera son intérêt - de brûler les vieilles guenilles des tyrannies du logos et de ses empreintes. Il s'agit de voir dans le noir à travers la page qui ne s'écrit pas encore mais qui est déjà ouverte.

Jean-Paul Gavard-Perret

Stéphane Sangral, Préface à ce livre, Galilée, novembre 2019, 256 p.-, 17 €

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