Quand Hélène Cixous se souvient : c'est-à-dire toujours

Hélène Cixous via sa narratrice poursuit son retour amont avec une émotion qu'elle a longtemps bridée. Nul pathos pour autant mais une dignité dans la souffrance et le rappel de  l'aveuglement, un temps caressé, comme par exemple celui de penser que, sous Hitler, les juives infirmières ne sont pas des Juifs comme les autres et seront épargnées. Mais le temps apprit vite à déchanter comme il permit de comprendre aussi que des hitlériens étaient déguisés en Français.
L'auteure se rappelle de la seconde guerre mondiale  en 2022 comme en 1942. Mais ce n’est pas un souvenir On n’y arrive pas. La morsure mord, le passé n’arrive pas. Et même au lever de l’aurore, lorsque le jour devrait arriver la nuit dure.
Hélène Cixous rappelle dans ce chant sidérant qu'avec la Shoah Le temps a sauté sur une mine, le monde explose sur le coup, moi qui le croyais solide et le craignais fragile comme mon père. Il y eut l'horreur. Et plus le fort se sent  dominateur de la foule, plus il crie, mort, rit, tue.
Certes dans la famille de la narratrice, ma mère dit : la mort est une erreur et d'ajouter : Dans ma famille l’homme meurt la femme vit. Ce qui est vrai pour cette famille ne le fut pas pour toutes. Et ce souvenir ne sera jamais comme les autres :  c’est un événement qui ne s’en va pas et attaque de plus en plus.
Le monde en est atteint. Et cela n'a pas de fin. La folie raciste et antisémite ne s'arrête jamais, comme si les sociétés ne pouvaient vivres que de boucs-émissaires. Hélène Cixous le rappelle en renouvelant la vision de ce que fut la peur et la terreur la plus journalière.
Ce que les familles qu'elles a connues ont vécu peut revenir. Les bourreaux n'ont pas péri avec Hitler. Pas plus qu'avec ses divers cousins de guerre et de malédictions toujours prêts à faire hurler les humbles non sans les avoir d'abord humiliés.

Jean-Paul Gavard-Perret

Hélène Cixous, Incendire, Gallimard, octobre 2023, 176 p.-, 19€

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