Tiphaine Siovel : "ce que j’aimais le plus au monde, c’était justement de raconter des histoires !"

Auteur de tout juste 27 ans, Tiphaine Siovel a commencé l’écriture de Briséïs en 2004, elle avait alors 18 ans. Après trois longues années dédiées à la parution de ce livre, c’est finalement en novembre 2012 que Briséïs sort, pour le plus grand bonheur de la jeune bretonne.

Malgré un contexte difficile, l’aventure Briséïs fut autant une aventure humaine que littéraire me confie-t-elle «La première idée m’est venue en fin de terminale, mais j’ai réellement commencé  à écrire quelques mois après, parce que ce que j’avais prévu de faire ne fonctionnait pas comme je voulais, et je ne savais pas quoi faire de mon temps. L’idée de départ est venue à la suite d’une expérience personnelle : on m’a demandé, comme à l’héroïne du roman, de choisir mon orientation après le bac. Comme elle, je voulais vivre une vie d’aventure, et ne pas me limiter aux cases toutes faites qu’on me proposait. L’objectif de départ était de faire évoluer une héroïne en parallèle de ma vie, dans un monde fantastique, et que nous nous entraidions pour trouver notre voie. Finalement ça a marché, puisque j’ai découvert que ce que j’aimais le plus au monde, c’était justement de raconter des histoires ! »

 

Tiphaine Siovel, vous venez de nous confier que votre vie quotidienne vous a beaucoup inspiré pour l’histoire de Briséïs,  mais dans quoi avez-vous puisé pour écrire cette histoire ?  Avez-vous des récits qui vous ont particulièrement influencé ?

Je me suis beaucoup inspirée de mythologie et de contes puisque c’était le fondement
de mon histoire : étudier l’influence des contes et légendes sur nos vies. Mais je ne choisis jamais une histoire qui existe en me disant : tiens, je vais faire pareil. Cela se fait de façon plus inconsciente. Bien sûr, là où je parle d’éléments mythologiques précis dans mon histoire, j’ai fait des recherches détaillées, pour donner du poids à mon récit et le rendre crédible.

 

– Y a t-il eu des auteurs qui vous ont, au début de votre projet, marqué et inspiré ?

J’ai grandi avec Harry Potter : tous les ans un livre sortait, et le héros avait justement le même âge que moi... Même si j’ai lu beaucoup d’autres livres dans ma jeunesse, c’est une des sagas qui m’a le plus marquée, et qui est sans doute en grande partie responsable de mon envie d’écrire. Cela dit, je m’inspire autant de films et de BD que de livres, pour moi, toutes les façons des raconter des histoires sont intéressantes.

 

– On peut en effet remarquer de nombreux détails liés à des mythologies diverse, c’est très intéressant à lire.  Briséïs est, dans la mythologie grecque, une reine, c’est un personnage important également. Avez-vous choisis ce prénom directement en référence à la mythologie, à cause d’une histoire pourquoi pas ressemblante, ou a-t-il simplement une autre signification, plus personnelle ?

La plupart des éléments de mon roman ont une très forte signification symbolique, mais le choix du prénom « Briséïs » n’en a aucune. C’est la première chose que j’ai choisie, avant tout le reste de l’histoire, et je l’ai choisie de façon purement sentimentale : je voulais un prénom original qui me plaise suffisamment pour que ça ne me dérange pas de l’écrire 3 fois par page... Je l’ai donc choisi comme le prénom d’un enfant... Par contre, on s’en rend compte en lisant le roman, il y a une raison très précise pour laquelle j’ai choisi d’appeler le roman du nom de mon héroïne...

 

– On peut dire que votre livre s’adresse à un public adolescent, mais il n’est pas pour autant dénué de sens. Pensez-vous que votre livre peut avoir un impact autre que seulement celui de distraire. A-t-il pour but de dénoncer une réalité et donc de faire réfléchir le lecteur ?

Je pense que toute histoire, si elle est bien faite, a un but bien plus important que celui de distraire. Pour moi, les histoires sont des guides pour nous aider à traverser la vie. Elles sont là pour nous remonter le moral, nous donner du courage, nous avertir d’un danger, raviver en nous des qualités qu’on aurait pu oublier... la liste est longue. Dans l’idéal, je dirais qu’une histoire ne donne pas de réponse, mais nous invite à nous poser des questions. Elle nous fait réfléchir.

Avec Briséïs, je ne cherche pas spécialement à dénoncer quelque chose, plutôt à faire réfléchir sur la façon de réagir face aux problèmes de la vie en général (humains, de relation à l’autre, etc). J’ai choisi une histoire fantastique, parce que pour moi c’est un moyen de prendre de la distance, et de mieux comprendre ce qui se passe dans notre propre vie.

 

– À l'heure où la société se questionne et se divise presque essentiellement sur des questions d'égalité, c'est pour beaucoup un idéal,  pensez-vous qu'il resterais une division omniprésente et inévitable entre "ceux qui savent" et les autres ? Que cette division serait ignorée de tous excepté de "l'élite" dont parle votre livre (situation parfaitement illustrée par l'importance du secret de l'existence de la Citadelle) ?

En grandissant, alors que je découvrais que le monde ne tournait pas toujours rond, et que les adultes n’avaient pas réponse à tout, je me suis demandée, comme beaucoup de jeunes je pense, quelle était la cause des maux de l’humanité.

Ne pouvant trouver de solution évidente, je me demandais si quelqu’un quelque part pouvait tout expliquer. S’il y avait des responsables, qui nous maintenaient dans l’ignorance, ou si nous étions tous dans le même bateau incontrôlable. Même si je pense qu’il ne suffirait pas d’un « oui » ou d’un « non » pour répondre à la question, cela m’a donné envie de jouer avec cette idée.Puisque je n’aurai sans doute jamais de réponse, j’ai décidé d’en inventer une, pour voir ce qui se passerait. À quoi ressemblerait un monde où « oui, le bateau a un capitaine, qui sait exactement où nous nous rendons.

Cela dit, le premier tome de Briséïs n’est qu’une introduction sur la réflexion, qui va beaucoup évoluer dans les trois prochains tomes.

 

– Que représente pour vous la rébellion à laquelle se joint Briséïs dans la deuxième partie du livre ? Sachant la proximité entre ce personnage et vous, cette rébellion signifie-t-elle quelque chose pour vous personnellement, une étape dans votre vie ?

En fait, il me semble que j’ai vécu ce moment de rébellion plus d’une fois dans ma vie déjà, et je le vivrai sans doute encore. Il représente pour moi une étape fondamentale : avoir le courage de défendre ses idéaux, même lorsque son entourage pense le contraire, même lorsque cela signifie devoir tout quitter et se lancer dans l’inconnu, traverser un désert en espérant trouver un monde meilleur de l’autre côté. J’ai écrit ce passage en grande partie pour me rappeler de trouver ce courage, chaque fois que j’en aurai besoin. Une histoire n’est pas seulement là pour faire réfléchir des lecteurs, elle est aussi un grand professeur pour son conteur...

 

– Pour vous, Briséïs vous a permis de trouver votre voix, invitez-vous le lecteur à faire de même, à lui aussi se questionner sur la société et pourquoi pas, sur cette rébellion ?
Je mettrais le mot rébellion entre guillemets : je ne veux pas dire qu’il faut tout casser, se révolter systématiquement contre le système. Mais se poser les bonnes questions, se rendre responsable de son bonheur, et avoir le courage de chercher sa vérité, oui. Ou alors se rebeller, mais contre ses propres peurs. Avec Briséïs je cherche surtout à illustrer un combat intérieur...

 

– Vous avez commencé très jeune à écrire Briséïs, son édition vous a demandée beaucoup de patience et de temps. Vous avez réussi à concrétiser un rêve que beaucoup de jeunes ont, à savoir publier un jour un livre, quel conseil pourriez-vous donner aux jeunes auteurs voulant eux aussi concrétiser leur projet ?

Je dirais que le plus difficile est de croire en sa propre valeur. On ne voit jamais le livre d’un autre à moitié terminé. On ne se rend pas compte qu’un livre met énormément de temps à ressembler à quelque chose, qu’il faut être très très patient, et ne pas hésiter à corriger et corriger encore. Il faut être têtu, ne jamais laisser tomber, avoir confiance que si l’on continue de marcher, le chemin finit toujours pas mener quelque part.


– Que pouvez-vous nous dire sur la suite de l’aventure Briséïs. Comment allez-vous organiser la suite de l’histoire et quelles sont vos attentes concernant les prochains tomes ?

La suite est déjà partiellement organisée depuis longtemps, puisque ce ne devait être au départ qu’un seul roman, que j’ai fini par couper en quatre, parce ça ne rentrait pas dans un seul volume. J’ai surtout hâte de voir ce que cela va donner, parce que même si je crois savoir ce qui va se passer, le résultat final est toujours très différent...


Propos recueillis par Maria Quiroga (mai 2013)

Briséïs, Robert Laffon, 15 novembre 2012, 328 pages, 19,90 €

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