Interview d’Alexandra Fontaine après le café du matin

La peinture d’Alexandra Fontaine provoque un émoi particulier. Elle entretient un pont entre la mémoire et un imaginaire  qui prend en charge dans le relief trouble d’étranges paysages - parfois fantômes parfois d’énigmatiques. Leur  abstraction donne à l’image une valeur capitale : elle ne dit pas « autrement », elle montre autre chose.

  

 Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ? C’est l’envie de boire un café, que je sirote pendant peut-être une heure en écoutant la radio et en regardant par la fenêtre.

 

Que sont devenus vos rêves d’enfants ? Ils sont présents par la peinture et par le voyage. Mes rêves d’enfant consistaient à m’enfuir loin de chez moi (banlieue parisienne) pour rejoindre les paysages sauvages des Pyrénées orientales où vivaient mes grands-parents maternels que j’adorais.

 

A quoi avez-vous renoncé ?  J’ai renoncé à l’héritage de ce lieu, le lieu de mes origines.

 

D’où venez-vous ? Je viens d’une famille très compliquée. D’une mère chercheur-ingénieur dans l’aérospatiale et d’un père devenu artiste-peintre parce qu’il se considérait comme un mathématicien raté.

 

Qu’avez-vous reçu en dot ? La passion, l’amour de l’art : de la peinture, de la musique et de la littérature. Mais matériellement rien.

 

Qu’avez-vous dû « plaquer » pour votre travail ?  Pour pouvoir créer, j’ai dû plaquer mon père.

 

Un petit plaisir-quotidien ou non :  Aller m’acheter une pâtisserie dans une très bonne boulangerie et revenir chez moi la manger en buvant un thé.

 

Qu’est ce qui vous distingue des autres artistes ?  C’est peut-être de travailler en résonnance avec les mots des poètes. C’est de ce partage que découle toute mon œuvre.

 

Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous parla ?  L’image de la chute d’Icare par Bruegel l’Ancien. Je devais avoir six ou sept ans et assistais alors à une conférence pour enfants au musée du Louvre

 

Quelle première lecture vous marqua ?  « Le pain noir » de Georges-Emmanuel Clancier.

 

Où travaillez-vous et comment ?  J’ai un petit atelier à Malakoff, mais comme celui-ci devient de plus en plus petit, je suis obligée de m’étaler dans le reste de mon habitation, ainsi que dans le jardin. Je n’aime travailler autre part que chez moi. Je travaille de temps en temps en écoutant la radio ( France-musique,France-culture), mais la plupart du temps dans le silence complet.

 

Quelles musiques écoutez-vous ?  J’écoute chez moi beaucoup de musique classique.  Schumann, l’école viennoise : Berg/Webern/ Shoenberg, les russes : Prokofiev,Chostakovitch, Stravinsky, mais aussi Britten, Elgar et surtout Bela Bartok… De l’opéra aussi. Quand je conduis, j’écoute du rock et je vais dans un certain café pour écouter du jazz.

 

Quel est le livre que vous aimez relire ?  J’aime bien relire des romans. En ce moment je relis « Effi Briest » de Théodor Fontane. Il y a aussi un livre auquel je pense souvent, c’est  « De Profundis »  d’Oscar Wilde parce qu’il parle de l’âme de l’homme et de l’accomplissement de la vie artistique.

 

Quel film vous fait pleurer ?  « Children of nature » de fridrik Thor Fridriksson (1991), que j’ai vu à Tokyo en 1993. Ce n’est pas du tout le film que j’ai préféré, et je ne sais pas si c’est un film que j’aimerais revoir mais c’est celui qui en tous cas m’a fait pleurer. Il s’agit d’un road-movie à travers l’Islande qui illustre bien cette phrase de Oé Kenzaburo : « les gens qui reviennent à nouveau sur le lieu de leur naissance périssent »

 

Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ? Mon apparence imparfaite et inaccomplie, derrière laquelle se cache mon être.

 

A qui n’avez vous jamais osé écrire ? Je ne sais pas encore.

 

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?  Nara, la ville des biches (Japon)

 

Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ? Franz Marc pour son ensauvagement, Alfred Kubin pour ses allées et venues dans le rêve, Wassily Kandinsky pour  son héritage asiatique

 

Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ? Des surprises.

 

 Que défendez-vous ? La pensée altruiste

 

Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?  C’est peut-être pour ça que l’amour, ça rend fou.

 

Enfin que pensez-vous de celle de W.Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »  Pour moi, cela répond à la question du désir en général. Le désir de faire des choses, de réaliser des projets avec d’autres, le désir de rencontre et de collaboration artistique. Alors à cette question, moi aussi bien sûr je réponds oui.

 

Interview réalisé par Jean-Paul Gavard-Perret, décembre 2013.

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