Le Hobbit, un voyage inattendu : Un film excellent, une adaptation contestable !

Voilà peut être une phrase péremptoire pour notre article. Mais c’est, à nos yeux, le meilleur moyen d’écrire sur le sujet. Certes, nous avions plusieurs titres : L’amour des dollars au mépris de l’amour de l’or ; La recette de Peter Jackson : Le Hobbit mélangé aux appendices du Seigneur des Anneaux, un beau visuel sans la saveur de Tolkien...

 

Si par hasard vous ne connaissez pas encore l’histoire du Hobbit, nous allons-vous offrir un léger résumé : 60 ans avant Le Seigneur des Anneaux, Biblon Saquet (1) est un hobbit habitant tranquillement dans la Comté. Comme tout hobbit respectable, il ne vit aucune autre aventure que celle d’un quotidien que d’aucuns qualifieraient de monotone : recevoir des invités, écrire des lettres, profiter d’une bonne chère et d’une excellente herbe à pipe.

Cependant voilà qu’un jour, Gandalf paraît et décide tout simplement de « pimenter » la vie du petit bonhomme. A cause de lui, treize nains frappent à la porte ronde de Cul-de-Sac et l’entrainent dans une chasse au trésor. Hélas ledit trésor est gardé par un dragon. Sans oublier que pour atteindre son antre, il est nécessaire de traverser la moitié du continent, des montagnes infestées de Gobelin, des forêts remplies d’araignées, des palais elfiques…

 

Le film a déjà fait couler beaucoup d’encre. Sûrement trop : son plus grand intérêt, à nos yeux, est qu’il permettra de « relancer » une dynamique de lecture de l’ouvrage. Mais pour ce faire, il faut que nos futurs lecteurs ne s'y trompe pas : le livre et le film divergent.

Non sur l’histoire, qui est globalement la même. Mais sur des « détails » qui, en réalité, font toute la différence : le diable n’est-il pas dans les détails ?


Le Hobbit est en effet un livre pour enfants. Le Seigneur des Anneaux est un livre pour adultes. L’univers de Tolkien, qui est accessible notamment via Le Silmarilion et est entrevu dans les Appendices du Seigneur des Anneaux, est un livre pour « plus qu’adulte », i.e. qui implique de la réflexion au-delà de la simple aventure : théologie, philosophie et philologie de ses langues inventées…

 

Avouons cependant les points positifs de ce film. Tout d’abord la réalisation du film est excellente ! De même que la photographie, le jeu d’acteur, les décors, etc. Tout cela nous plonge dans l’univers de Frodon & Cie et nourrit l’imagination du spectateur.

Qui plus est, le retour en Terre du Milieu se fait admirablement bien, la continuité avec les précédents opus est fort agréable.

 

Mais – car il y a toujours un "mais" – le scénario a des imperfections. D’ailleurs, Peter Jackson le dit lui-même :  « Il [Tolkien] n’approuverait peut-être pas tous nos choix de scénariste. » Et force est d’avouer que nous non plus, nous n’approuvons pas – mais nous n’engageons ici que nous – tous les les choix réalisés !

 

Nous soulèverons juste deux exemples qui ne porteront pas atteinte aux « secrets » que peuvent attendre du film ceux qui ne sont encore allés le voir. En premier lieu, l’Ouverture. Nous la découperons en deux temps : un Prologue et une Introduction.

Le Prologue raconte l’histoire du royaume nain d’Erebor et comment, en devenant de plus en plus riche et en entrant en possession d'un magnifique joyaux, l'Arkenstone, le Roi sous la Montagne Thror attira le malheur sur ses terres : Smaug, le dernier grand dragon de cet âge. Les elfes, qui avaient juré fidélité au souverain nain, abandonnèrent ce peuple de petites guerriers aux souffrances de l’exil.

Puis vient l’introduction : dans la Comté, le matin de la fête tant attendu de Bilbon Saquet, celui-ci décide d’entamer l’écriture du Livre Rouge, l’ouvrage dans lequel seront consignés les écrits de Bilbon, Frodon et Sam, racontant Le Hobbit, Le Seigneur des Anneaux et les années qui suivirent la destruction de l’Unique. Et les mots In a hole in the ground, there lived a hobbit retentissent alors.



Soyons franc et direct : Le Prologue est raté, l’Introduction est parfaite.


En effet, le Prologue se nourrit principalement non pas du livre The Hobbit de Tolkien mais des appendices du Seigneur des Anneaux qui clôture celui-ci. L’objectif des scènes qui y sont racontées est double : permettre de comprendre la quête des Nains (le trésor perdu des nains jalousement gardé par Smaug dans l’ancienne cité sous la montagne) et offrir un « passé » à Thorin, permettant au spectateur de s'y attacher. Ainsi, Peter Jackson & Cie font de ce chef des nains un personnage d’envergure du type d’Aragorn, et cela au mépris de ce qu’a pu écrire Tolkien.


« L’amour de l’or », ce leitmotiv récurrent des contes et légendes que l’on retrouve par exemple dans tout le mythe des Nibelungen est aussi présent dans l’univers de Tolkien. Il est là dans la relation à l’Anneau par exemple, aux Silmarils, à la Pierre Arcane…

Et Peter Jackson décide donc de réaliser la même chose entre le Roi Thror et la Pierre Arcane. Pourquoi pas ! Seulement Tolkien l’a écrit noir sur blanc : Si Thorin est affecté par cet amour de l’or envers tout le trésor et la Pierre Arcane, c’est du fait que celui-ci a été gardé par un dragon ! « Mais Bilbon oubliait que l’or longtemps couvé par un dragon a un pouvoir, et que le cœur des nains y est particulièrement sensible » (Le Hobbit, "L’orage se prépare").

Bref, un petit détail qui pourtant change toute la psychologie des nains qui deviennent fort désagréables dans ce Prologue alors même qu’ils ont normalement d’excellentes relations de voisinage… Et c’est justement cette justesse de vie avec leurs voisins, à égalité, qui faisait du royaume d’Erebor une terre paradisiaque. (2)

 

En revanche, tirons notre chapeau à Peter Jackson pour l’excellence de l’Introduction qui suit le Prologue. Il raccorde son film avec celui de 2001, offrant nostalgie, poésie et beauté : car quand Bilbon prononce les mots In a hole in the ground there lived a hobbit (Dans un trou vivait un hobbit), le spectateur ayant lu le livre ne peut que ressentir la beauté de l’écriture de Tolkien…

 

Le deuxième point sera celui que nous nommerons « le méchant albinos ». Afin de donner à Thorin une grande envergure, de lui permettre d’être un héros auquel le spectateur s’attache, les scénaristes ont décidé de développer, au delà du récit tolkienien, un personnage des Appendices du Seigneur des Anneaux : l’orc Azog.


Cet être n’est rien de moins que la reprise « améliorée » d’un personnage de Tolkien mort à la bataille Azanulbizar, devant les portes de la Moria. Il devient albinos – d’accord, il est plus facilement repérable – tue le mauvais nain par rapport aux textes de Tolkien – entendu, c’est un détail… – est tué par Thorin et non Daïn – bon, on ne va pas rajouter TOUS les personnages des livres quand même… – mais survit, veut se venger et poursuit la Compagnie des nains.

 

Bon, là, ça « déconne grave » !

 

En effet, toute la dynamique de l’aventure change : de « mission pour reprendre l’Erebor et le trésor », le film tombe dans le « s’enfuir pour échapper à un méchant ». Et qui plus est, tout ça force Bilbon a devenir un guerrier. Alors qu’il est, dans le livre, tout sauf cela. Notre Hobbit ne combat en principe que des araignées : pour le reste, il utilise sa ruse, ses pieds et les nains et... son anneau magique. Or du gentil héros auquel les enfants peuvent s’identifier, nous tombons sur celui auquel les adolescents en manque d’action peuvent rêver ressembler. Il y a là, à nos yeux, une « dénaturation » claire du Hobbit de Tolkien dans le but de faire un film à grand spectacle et grand public...


Au final, force est de reconnaître que nous passons un excellent moment de Le Hobbit : Un voyage inattendu. Il s’agit d’un Hobbit d’après Peter Jackson mais qui produira, espérons-le, des personnes suffisamment intéressées par l’histoire pour se pencher sur le livre de Tolkien. Car, si nous avons grincé des dents plus d’une fois dans le film, certains passages sont justes une adaptation parfaite de l’œuvre : ainsi en va-t-il des énigmes dans le noir…

 

Pierre Chaffard-Luçon

 

1 : Pour nos articles, de manière générale, nous avons pris la décision de conserver la nomenclature de Francis Ledoux (Fondcombe, Bilbon Saquet, etc.) bien que nous nous référions à la traduction de Daniel Lauzon. Une petite infidélité pour conserver un texte aisément lisible pour les non-initiés : les lecteurs français sont habitués aux noms de Ledoux  et les films ont repris ceux-ci.
 2 : Cette interprétation de l'amour de l'or n'engage ici que nous et ne fait pas l'unanimité dans la communauté des personnes travaillant sur Tolkien. Citons ainsi Sébastien Marlair :
"Le texte anglais est un peu plus ambigu : "But also he did not reckon with the power that gold has upon which a dragon has long brooded, nor with dwarvish hearts." L’idée est que Bilbo ne tient ni compte du pouvoir de l’or longtemps couvé par un dragon, ni du cœur des Nains. Or ce cœur des Nains, c’est celui qui est passionné par l’or, même quand un dragon ne l’a pas couvé ! Ou en tout cas par les « belles choses », comme le dit ce passage du 1er chapitre du Hobbit : "Tandis qu’ils chantaient, le hobbit sentit monter en lui l’amour des belles choses faites à la main, issues du savoir-faire et de la magie : un amour jaloux et féroce, ce désir qui brûle le cœur des nains." (Le Hobbit, "Une réception Inattendue")"


Modifications de l'article par l'auteur le 6 janvier 2013.

7 commentaires

Je rêve comme vous Pierre d'un élan de lecture quant un ouvrage est adapté au cinéma, mais je n'y crois guère... Il y a bien des packagings, des mises en place, des couvertures refaites et aussi des ventes, bien sûr des ventes parce qu'il faut l'avoir ou alors la curiosité titille un peu, mais des lecteurs ? 

Et combien ne savent même pas qu'il y avait un roman à l'origine, et qui s'en contrefichent tant qu'on leur montre de belles images

PCL

Oh, je ne sais...
Mais il fut prouvé que le nombre de lecteur du SdA a augmenté après la parution de La Communauté de l'Anneau en 2001. J'en suis la parfaite preuve (bien que j'ai lu le livre avant de voir le film, ledit livre fut offert à mon frère dans cet "élan" médiatique... Et il a eu le malheur de le laisser "trainer" devant moi !).

Je vous trouve bien sévère cher Pierre. Certes la dernière scène du film, quand Bilbo s'en va combattre ressemble à une pure hérésie, il est le trouillard, celui qui se débrouille toujours pour éviter l'affrontement (en même temps l'épée est un objet important de toute la trame des films -cadeau de Bilbo à Frodon dans la Communauté-  en langage scénaristique, fallait qu'elle serve) et certes cet orc frise le ridicule, autant par son aspect que par le rôle qu'on lui attribut. Mais franchement quel régale en terme de cinéma. L'intro nous plonge dans la légende avec une beauté grandiose et poignante et un respect (un amour ?) jusque-là jamais égalé pour de la fantasy. Ensuite nous retrouvons la Comté et découvrons les nains dans des passages de comédie véritablement enchanteurs des plus réjouissant, incontestablement digne de Tolkien qui est d'ailleurs cité texto à maintes reprises (le Bonjour, par exemple, j'en avais les larmes aux yeux). Puis l'aventure est menée tambours battants avec l'habituelle maîtrise de mr Jackson. C'est pour tous publics mais ce n'est jamais stupide. Combien d'adaptation de cette envergure ont-elles atteint ce niveau ? A par Les raisins de la colère de J Ford, je ne vois pas. Ne boudons pas notre plaisir. Pour Loïc : je ne sais pas si je vie au bon endroit, mais je vois souvent des livres traîner après qu'une adaptation soit sortie au cinéma.

PCL

Cher Macbeth,

Tout est dans le titre, pour ma part : le film est excellent ! C'est du grand cinéma - quoi que cette affirmation puisse être nuancé est tourné vers "grand spectacle" - comme sait  le faire Peter Jackson.
C'est la notion d'adaptation qui me chagrine : pour adapter, il est nécessaire de s'éloigner de la lettre du texte - sinon aucun intérêt de faire un film, il suffit de rester au livre - pour en percer bien mieux l'esprit avec les armes qu'offre le cinéma.
Or, force est de constater à mes yeux que l'esprit n'est pas là, pour, notamment, les raisons évoquées au-dessus.
Ce qui n'empêche pas que ce soit un excellent film... Juste une adaptation contestable.

Bonne analyse, en effet, c'est exact,  le film "interprète "le livre. Mais après tout, est-ce vraiment génant? Guère plus que "Ben-Hur" n'a réinterprété la bible ou "le jour le plus long" le vrai débarquement.  Il me semble en outre un peu  précipité de statuer sur ces sujets, vu qu'il ne s'agit que du premier tome d'une trilogie, donc...patience!
Je confirme également que la vision de la première trilogie (Seigneur des anneaux) a entraîné l'achat et la lecture du livre, et même d'autres Tolkienneries : j'en ai été témoin avec mes ados.
Enfin, comme spectateur quinquagénaire toujours sensible au merveilleux, je suis rentré de nouveau avec jubilation dans l'univers des elfes, des orcs , des nains et des dragons, le tout magnifiquement filmé dans les paysages extraordinaires de nouvelle-zélande. Le film m'a attrapé, comme un gosse, et j'ai passé un excellent moment.

Maintenant, si quelques théoriciens raccornis et raisonneurs de l'art cinématographique font la fine bouche et trouvent ça trop populaire ( comme ils ont pu descendre Avatar, star wars et Indiana jones avant lui, pour les mêmes raisons) , tant pis pour eux, c'est juste qu'ils ont perdu la capacité d'émerveillement de leur enfance. Personnellement, j'échange 12 films  intellos politiquement corrects  façon canal + contre  une seule minute du Hobbit. Mais je n'empêche personne d'aimer la nouvelle vague ou Lars Van Trier, chacun ses goûts et sa magie,  et comme disent les araignées, chacun sa toile!!

Me revoilà donc pour apporter une note dissonante, celle du type qui n'a jamais aimé Tolkien (mais qui adorait l'Elric de Moorcock), qui se sent seul parfois entouré de Tolkienophiles forcenés... Peu importe, je résiste en revoyant Avatar ou Terminator (plus ma tasse de thé), voire des films de la nouvelle vague tant décriée ci-dessus. L'important, au-delà de mes divergences avec les louanges bavardes (oui je polémique) que je lis ici et là, est cependant de prendre du plaisir et de rêver un peu au cinéma! (tant qu'on ne cherche pas à me convertir...)

Je trouve que le premier film est bien même si il y a des différences avec le livre.  Comme certains l'on déjà dit certains dialogues/scènes sont les mêmes que dans le livre et j'ai adoré cela. Le combat avec les gobelins est loin d'être comme dans le livre mais m'a fait plus que sourire, et je le pardonne aisément. L'ajout de certains passages comme celui où Gandalf parle de son ordre ont une place légitime, car il ne modifie guère l'histoire et font découvrir à ceux qui n'ont pas lue les autres textes de Tolkien un peu plus le monde qu'il a créé.

Mais l'apparition d'Azog, qui n'est qu'évoqué une fois dans le livre, provoquant la grande course poursuite m'a choqué car elle dénature la quête de la compagnie. Quant à Radagast il est comique mais cela le dénature c'est un 'dieu' mineur tout de même. Pour le reste le premier film reste assez fidèle. Enfin pour clore sur ce film je suis un peu déçu par les armures trop scintillantes de l'armée des elfes de la forêt car contrairement à ceux de Lotlorien il ne sont jamais aller en terres immortelles et n'ont jamais eu l'art et les techniques nécessaire au forgeage de ces superbes armures.
Le second film m'a plus déçu l'arrivé fracassante dans la maison de Beorn du à la chasse donnée par Azog, n'a rien à voir avec l'arrivé calme et rusée orchestré par Gandalf pour évité que Beorn ne massacre les pauvres compagnons du livre. Le fait que Beorn n'ai qu'un gardien hôte est très réducteur. (Il est sensé mettre en garde les nains des danger de la forêt). Bilbo qui aurait du remarqué qu'ils étaient suivie par un ours, qui est Beorn veillant sur ses poneys, sur le chemin vers la forêt le remarque avant d'arrivé dans la maison de notre change-peau. La dangereuse rivière qui fait sombrer dans le sommeille disparaît. Les nains quand à eux ne savent plus suivre les chemins et perdent le sentier sans raison apparente. De ce fait ils sont emprisonnés sans raison par un roi qui c'est fait partiellement brûlé le visage autrefois par un dragon - tiens il a survécu- et se paye le luxe de pouvoir caché ses toutes petites brûlures par un enchantement. Pour finir avec les elfes, Tauriel ,inexistante dans le livre, tombe amoureuse d'un des nain et devient un personnage secondaire de l'histoire. Légolas s'incruste à cause de son amour pour Tauriel alors qu'il aurait put et dû seulement faire une apparition. L'évasion de la compagnie dans les tonneaux à lieu le jour même de leur incarcération -apparemment Bilbo sait déjà tout sur le château des elfes et n'a pas besoin des quelques semaines qu'il prend dans le livre- et se transforme à nouveau en course-poursuite avec des orcs -choisis par Azog pour continué la chasse car il a une réunion avec Sauron-. Nos nains sont bien aidé par Legolas qui leur marche un peu sur la tête. Barde les accueille au bout de la rivière et les font entrer dans la ville illégalement. Bon les nains aurait put passer par la grande porte comme dans le livre. Quand à Barde il pas eu de chance, passé de capitaine à batelier, et qui plus est descendant de l'homme qui à échoué et usé presque toutes les flèches noire d'arc-lance inutilement sur Smaug à son arrivé - les seul capable de tuer un dragon, tiens c'est nouveau-. Quant à Gandalf il se fait terrasser par l'ombre de Sauron si facilement que sans est scandaleux. 
Quand au dernier film, et bien on se rapproche à nouveau de l'histoire et on essaye de concilier cela avec les éléments nouveaux. On rajoute les combats Azog/Thorin et Legolas/fils d'Azog, des manges-terres, c'est quoi ça, gigantesques qui font trois troues dans la vallée pour faire passer l'armé orque et un mégacéros pour monture au roi elfe. Quand a Bilbo il rentre chez lui avec à peine un ou deux petit coffre sur son dos.