La Vie après la mort, les preuves de Jeffrey Long: nourrir le doute au sujet des certitudes humaines

Le Dr Jeffrey Long est l’un des chercheurs les plus connus travaillant sur le phénomène des expériences de mort éminente (EMI). Ce domaine d’études limitrophe de la médecine, de la parapsychologie et des religions a ses fervents et ses détracteurs ; quel que soit l’a priori avec lequel on l’aborde,  la lecture de cet ouvrage qui présente les résultats de la plus vaste enquête réalisée sur les EMI a de quoi intéresser, ne serait-ce que comme stimulant de la réflexion sur le réel et l’irréel.


Comme l’indique le titre de l’ouvrage, le Dr Long est convaincu que l’ensemble des témoignages qu’il a analysés démontre la réalité d’une conscience humaine indépendante de l’existence physique de l’individu, conscience qui persiste en état de mort clinique et (dans certains cas) sous anesthésie générale, se manifestant d’une manière qui n’a d’équivalent ni dans les rêves nocturnes, ni dans les hallucinations, ni dans les situations de stimulation électrique (expérimentale) du cerveau. Les particularités de cette conscience semblent relever – indépendamment de l’âge, des convictions et de la culture des « expérienceurs » - d’un seul et même processus se déroulant suivant des étapes  presque invariables. Ainsi, des personnes censées être inconscientes observent leur propre corps et ce qui les entoure comme si leur conscience surplombait l’ensemble de la situation réelle ; elles s’avèrent capables, par la suite, de donner des informations qu’elles n’avaient pas moyen de se procurer concrètement (par exemple, sur le déroulement précis des efforts des médecins pour les réanimer) ; elles se retrouvent dans une sorte d’au-delà délectable, accompagnées par des « êtres mystiques » et/ou par des proches défunts ; avant d’arriver là, certaines d’entre elles revoient les moments les plus importants, voire l’intégralité de leur vie, sous un jour différent de leurs souvenirs, impliquant les points de vue d’autres individus concernées.


Les extraits de témoignages cités dans le livre convergent sur ces étapes, avec une constance qui porte à conclure que le phénomène psychique en question existe bel et bien. Est-ce pour autant une raison de penser que l’au-delà est scientifiquement démontrable, voire désormais démontré ? A la différence de Jeffrey Long, je n’en suis pas convaincu, ne serait-ce que parce qu’il existe une différence objective entre le cas de ces « expérienceurs » revenus à la vie et celui des gens qui l’ont quittée de façon définitive : admettre que la mort imminente entraîne le processus en question,  ce n’est pas nécessairement s’assurer qu’il débouche sur une vie éternelle de l’âme, quoique les « expérienceurs » en soient certains.


L’auteur a pris soin de commenter les objections des scientifiques « sceptiques », et il les réfute efficacement, mais sans résoudre le problème intellectuel que nous venons d’évoquer. Quoi qu’il en soit, son ouvrage a le mérite de mettre en évidence les limites des connaissances scientifiques actuelles concernant l’être humain : le seul fait que des milliers d’individus aient témoigné d’une conscience indépendante du fonctionnement des sens et/ou du cerveau (en état de mort clinique) révèle l’inaptitude de la médecine  même la plus avancée à élucider les processus qui ne vont pas de pair avec les symptômes physiques attendus, et notamment à constater la différence entre l’inconscience totale et la « mort lucide » décrite par les témoins.


En somme, à défaut de nous persuader que l’au-delà existe réellement, le livre nous porte à nous interroger sur notre définition de la réalité : l’enquête du Dr Long fait remarquer qu’en temps normal, la plupart d’entre nous tiennent pour réel ce qu’on leur a appris à considérer comme tel et ce qu’ils connaissent d’expérience ; manifestement, il suffit de connaître empiriquement un processus qui diffère de l’ordinaire pour changer de définition, envers et contre ses propres certitudes précédentes.  En dernière analyse, les cas d’EMI commentés par Long semblent monter, indépendamment de la volonté du chercheur, que la distinction entre « réel » et « irréel » ou « surnaturel » relève d’avantage de la vue de l’esprit que d’un ensemble de données indiscutables, qu’on soit matérialiste pur et dur ou croyant de n’importe quelle obédience. Certains lecteurs peuvent finir par opter pour le pari pascalien, d’autres conserver tout leur scepticisme ou se sentir renforcés dans leur foi, mais à mon sens, l’apport le plus appréciable de cet ouvrage, c’est de nourrir le doute au sujet des certitudes humaines, quelles qu’elles soient.


André Donte

 

Jeffrey Long (avec Paul Perry), La Vie après la mort, les preuves, traduit de l’anglais par Laetitia Cordonnier, éd. J.C. Lattès, janvier 2013, 300 pages, 19,00 €
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